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analyses. — jardine. Psychologie de la Connaissance.

ment une grande place dans toute théorie-de la perception. M. Jardine a raison de dire que dans la perception nous projetons nos sensations au-dehors et que cette projection est le résultat d’une inférence. Mais cela suppose que nous avions entièrement la croyance à l’extériorité : d’où nous est-elle venue ? Ici M. Jardine prétend que l’étendue est intuitivement connue comme la forme du Non-moi immédiatement présent à la conscience ; en d’autres termes, que les sensations renferment en elles-mêmes un élément étranger à la conscience et définitivement saisi comme indépendant du Moi. C’était, en somme, l’explication que donnait l’école écossaise ; cette école n’a jamais réussi à la rendre parfaitement compréhensible ; il n’est pas facile de concevoir comment le Moi peut avoir conscience d’autre chose que de ses propres phénomènes ; ni comment une sensation peut être quelque chose de plus que la sensation d’elle-même. M. Jardine prétend que dans la sensation du toucher et de l’effort musculaire, la résistance des objets révèle leur existence extérieure. Mais cette résistance n’est encore qu’une sensation, et quand je rencontre un objet qui arrête mon bras, j’éprouve simplement un changement dans ma sensation. Pour inférer que ce changement est causé par une réalité extérieure, il faut croire d’abord à cette extériorité. Les vues de M. Jardine sur cette question, une des plus obscures et des plus difficiles de la psychologie, ne nous paraissent pas rigoureusement exactes. Quant à la solution du problème que nous sommes disposé à considérer comme la véritable, elle dépend, selon nous, d’une théorie de l’espace que nous ne pouvons exposer ici.

La partie la plus remarquable du livre de M. Jardine est celle où il s’occupe de l’élaboration de la connaissance, c’est-à-dire des différents procédés d’inférence, de raisonnement, d’induction et de déduction. Dans les théories qu’il développe sur ce sujet, il devient un disciple des logiciens anglais de notre époque ; il suit les travaux de J. St. Mill, de Bain, et surtout d’Herbert Spencer qui a, dit-il, donné dans ses Principes de Psychologie une exposition admirable de la nature du procédé de raisonnement. M. Jardine est un adversaire de la logique purement formelle, telle que voulait la définir l’école de sir William Hamilton et de Mansel ; il ne veut pas d’une logique qui ne tienne compte que des relations des concepts sans aucun égard pour leur vérité ; les procédés de l’entendement ne peuvent être séparés, selon lui, d’une comparaison continuelle avec la réalité donnée dans la perception et la connaissance intuitive. Il tourne en dérision les formes que l’ancienne logique donnait aux propositions et aux raisonnements, formes barbares dont le moindre inconvénient est de faire violence à la pensée. Ainsi plus de quantification du prédicat, plus de conversion des propositions, plus de syllogisme. Rien de tout cela ne correspond aux véritables procédés de l’intelligence. L’induction notamment n’a jamais reposé sur un prétendu syllogisme dont la proposition majeure serait l’affirmation de la constance de la nature. Elle se fonde simplement sur le caractère essentiel ou accidentel que, suivant les circonstances, nous