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g. h. lewes. — spiritualisme et matérialisme.


II

Le Matérialisme.

Avant de procéder à la critique d’une hypothèse dont le seul nom est devenu un stigmate, et que l’on peut, en termes généraux, caractériser comme la réduction des phénomènes vitaux et mentaux à des conditions d’où sont exclus tout ce qui est extra-organique ou métempirique, il est nécessaire de déterminer clairement le mode d’interprétation que je crois sujet à des objections, et ses rapports avec les doctrines que je considère comme vraies. La doctrine de l’organicisme, qui rejette tout agent extra-organique dans la production des phénomènes vitaux et mentaux, est franchement opposée au spiritualisme ; mais elle n’est guère moins franchement opposée au matérialisme et au sensualisme, telles que ces doctrines sont communément enseignées et comprises ; non parce qu’elle espère réduire les phénomènes à des conditions organiques, mais parce qu’elle insiste sur la spécialité des conditions, et sur la nécessité d’une interprétation synthétique qui comprenne la totalité des facteurs passés et présents, au lieu de l’interprétation analytique du produit par un seul facteur, ou par un petit nombre de facteurs. Le matérialisme se trompe en ce qu’il est à la fois analytique et abstrait dans son interprétation des phénomènes. Il fait de la matière et de la force des abstractions, tandis que l’organicisme considère la force et la matière comme déterminées d’une manière spéciale par des conditions complexes et particulières. L’organicisme est physiologique, et il est ainsi radicalement opposé au spiritualisme dont la position fondamentale est métaphysiologique, quand il prétend que la vitalité et la conscience ne sont, en aucun sens, des activités de la matière[1]. L’organicisme est également opposé au matérialisme qui est physico-chimique là où il devrait être physiologique, qui est mécanique et objectif là où il devrait être psychologique et subjectif.

Les bases de notre opposition au matérialisme et au sensualisme deviendront plus claires à mesure que notre critique avancera. Mais

  1. « Toutes les preuves sont en faveur de l’hypothèse d’après laquelle la fonction supérieure n’est dépendante ni de la complexité de la constitution ni de la quantité des matériaux… Il peut y avoir des différences de propriété qui ne dépendent pas des différences dans la matière et ses forces. » Lionel Beale, On life, and on vital action in health and disease. Leçons faites au Collège des Médecins, reproduites dans la Lancet, 22 mai 1875.