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I

L’hypothèse métaphysiologique.

On remarquera peut-être que jusqu’ici nous avons confondu, dans nos remarques, l’âme et la vie, bien que dans quelques systèmes on en ait fait deux principes distincts. L’intérêt de cette distinction est dans une question de méthode, et à ce point de vue, il est très peu important pour nous que la vie soit identifiée à l’esprit, ou en soit séparée.

Les anciens croyaient que l’organisme était une machine inerte animée par trois principes : — l’âme végétative, l’âme sensitive, et l’âme raisonnable. Aristote et ses successeurs ramenaient ces trois principes à un seul ; mais les métaphysiciens et les métaphysiologistes modernes ont hésité, par suite de l’inconvenance à attribuer la sécrétion, la digestion, etc., à un agent spirituel actif, résidant dans la pensée et la volonté ; ils ont été blessés également de voir assigner les puissances vitales à une matière sans vie ; et ils ont espéré réconcilier toutes les difficultés en douant l’organisme de deux principes essentiellement distincts, l’un pour la vie, l’autre pour les processus mentaux. Ce n’est, disent-ils, qu’à l’aide d’agents extra-organiques, que les phénomènes peuvent être compréhensibles, puisque les processus physiques et chimiques ne peuvent leur donner ce caractère. Dira-t-on, de plus, que l’unité des phénomènes vitaux réclamait impérieusement « un principe unique, une cause unique de toutes les fonctions organiques et même de la formation des organes eux-mêmes[1]. » Cet argument favori n’a aucune valeur. Demander une cause unique pour la vie, en s’appuyant sur ce fait que les phénomènes vitaux sont groupés sous une seule expression, c’est mal comprendre la nature de la causalité et la nature des effets complexes. Personne ne pense étendre un semblable argument aux républiques américaines, aux nations germaniques, qui sont aussi des unités.

Bien qu’il soit actuellement tombé dans un discrédit général, l’Animisme me semble avoir des bases plus logiques que le vitalisme. Sa loi doit postuler un agent extra-organique comme générateur et régulateur des phénomènes organiques, un seul agent doit suffire pour les processus physiologiques et psychologiques ; d’autant plus

  1. Bouillier, Du principe vital, 1872, p. 4.