Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome I, 1876.djvu/566

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
558
revue philosophique

Ainsi, par exemple, d’après Schopenhauer, « le monde est la conséquence d’un acte de la volonté et subsiste seulement aussi longtemps que cette volonté est affirmée, mais il périra avec la négation de cette dernière. » Cela est en contradiction manifeste avec la doctrine opposée de Schopenhauer que le monde n’a pas de commencement, d’où Frauenstaedt conclut avec raison qu’il n’a pas de fin. Cette contradiction est l’admission des thèses opposées des antinomies de Kant, et la critique faite par Schopenhauer de la solution que Kant a donnée du problème cosmologique, montre d’une façon évidente que l’admission d’un cosmos infini est la conséquence également indiscutable du réalisme transcendantal. Schopenhauer a raison de soutenir que l’infini en tant qu’existence réelle est contradictoire en lui-même, et il enseigne avec Aristote qu’il doit être cherché virtuellement dans la possibilité illimitée du progressus et du regressus. Par conséquent, si le temps et l’espace étaient des formes réelles de l’existence, il faudrait que le monde fût un tout existant par lui-même, « mais un tout existant par lui-même ne peut en aucun cas être infini. » Schopenhauer conclut inversement de l’infinitude incontestable à ses yeux du temps et de l’espace, que ceux-ci et le monde phénoménal qu’ils renferment peuvent seulement exister à l’état subjectif. Mais là est justement le défaut de l’argumentation. Tout ce que nous pouvons constater, c’est que le regressus idéal de nos représentations dans le temps et dans l’espace ne rencontre nulle part de limites ; mais cela ne prouve pas le caractère limité ou illimité du temps réel et de l’espace réel, dans le cas où ceux-ci existeraient en dehors de notre conscience. Schopenhauer n’a donc pas mieux réussi que Kant dans sa prétendue preuve indirecte de l’idéalisme transcendantal par les antinomies, mais il a démontré d’une façon indiscutable que la détermination. en faveur de la thèse ou de l’antithèse dépendait uniquement de la détermination en faveur du réalisme transcendantal ou de l’idéalisme.

Comme Frauenstaedt s’est prononcé nettement pour le premier, il est nécessairement obligé de soutenir que le monde est limité dans le temps et dans l’espace, s’il ne.veut pas être en contradiction avec lui-même aussi bien qu’avec les doctrines de son maître. Puisqu’il déclare le temps une forme réelle de l’existence, et admet en outre dans le processus du monde un développement téléologique conforme à un plan, il est forcé de convenir que le temps, et avec lui le processus du monde, ont eu un commencement ; car autrement nous aurions derrière nous la contradiction d’un infini fini. Du point de vue de la métaphysique de la volonté de Schopenhauer, ce commencement ne peut évidemment être autre chose que le passage de la