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e. de hartmann. — schopenhauer et frauenstaedt.

aucun changement ne peut devenir cause, sans qu’une volonté fonctionne comme force productrice, et une volonté ne peut pas se manifester comme vouloir concret, s’il n’y a pas de cause occasionnelle, c’est-à-dire de motif. En aucun cas cependant, Schopenhauer n’aurait approuvé la manière dont Frauenstaedt et Bahnsen ont compris sa doctrine, comme si la causalité du motif s’étendait à la volonté, comme si le motif était la cause du fonctionnement de la volonté. Mais il faut que telle soit Topinion de Frauenstaedt, puisqu’il croit pouvoir déduire de la causalité du motif et de l’identité de la causalité à tous les degrés de la nature, la réalité de la causalité dans le sens transcendant. Bien plus, la véritable opinion de Schopenhauer est que le vouloir concret comme fonction temporaire incline déjà du côté du phénomène, c’est-à-dire du phénomène subjectif ; que par conséquent la causalité du motif reste tout à fait dans la sphère immanente, en tant qu’elle n’aide pas à déterminer le vouloir en lui-même, mais seulement le contenu de l’acte déterminé de la volonté, comme phénomène subjectif temporaire. D’après lui tout acte particulier de la volonté a un motif, la volonté en général (comme affirmation de la volonté ou comme volonté de vivre) n’en a pas ; de même, d’après lui, chaque acte particulier a une fin, le vouloir dans son ensemble n’en a pas, et d’après le texte, la fin du vouloir doit être comprise comme le but conscient ou le contenu conscient du vouloir[1].

Frauenstaedt combat la doctrine métaphysique juste et profonde de Schopenhauer : que le vouloir en général n’a ni but, ni motif ; Bahnsen fait de même ; mais en cela, ce dernier est dans son droit à son point de vue ; Frauenstaedt, au contraire, est dans son tort. En effet, Bahnsen nie une volonté universelle une et absolue, et en revanche il attribue à la volonté individuelle une substantialité et une aséité éternelle ; mais Frauenstaedt accepte la volonté universelle une et identique, et nie la substantialité et l’aséité des volontés individuelles. Bahnsen s’appuie par conséquent sur le caractère intelligible ; il admettrait que, s’il y avait une volonté absolue, celle-ci ne pourrait pas être pensée comme caractère (ni comme une volonté avec une substance concrète ou but). Frauenstaedt, au contraire, qui attribue l’aséité seulement à la volonté universelle et met avec raison tous les caractères individuels dans la sphère des phénomènes (objectifs), est obligé de reconnaître que le dernier fondement intime

  1. J’ai aussi nommé cette dernière « objet du vouloir, » sans pour cela l’avoir jamais confondue, comme Frauenstaedt et Bahnsen le prétendent, avec l’objet de la représentation, ou même avec la chose en soi correspondant à cet objet de la représentation.