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SCHOPENHAUER


ET SON DISCIPLE FRAUENSTAEDT

I.

Si le disciple le plus actif d’un maître qui est mort, après avoir consacré pendant de nombreuses années toutes ses forces à en répandre, populariser, expliquer et défendre les idées, se décide à en publier la critique en même temps qu’il essaie d’en transformer le système, un tel événement doit exciter un intérêt bien différent de celui que présenterait la critique du premier philosophe venu. Dans ce cas on est certain de rencontrer la connaissance la plus exacte unie à une vénération personnelle qui cherche à montrer toutes les opinions sous leur jour le plus favorable et à maintenir partout au maître la position du philosophe non seulement le plus important mais du seul en possession de la vérité. S’il reconnaît qu’il y a dans le système des parties insoutenables, des points faibles et ayant besoin de correction, on peut admettre que cet aveu a coûté de longues délibérations et a été arraché péniblement au cœur comme un hommage à la vérité. Quand l’apologiste le plus zélé confirme ainsi les objections et les doutes émis par des plumes étrangères, on peut dire qu’il ferme toute une ère de polémiques, et s’il essaye de transformer le système par des modifications profondes, on peut y voir l’aveu que ces transformations sont nécessaires pour le faire vivre dans le temps actuel.

En ce sens, les Nouvelles lettres sur la philosophie de Schopenhauer par Frauenstaedt méritent l’attention de tous ceux qui s’intéressent aux idées de Schopenhauer, qu’ils les partagent ou qu’elles leur soient antipathiques, et cette publication peut certainement être regardée comme l’œuvre relativement la plus importante de l’auteur. Si ces lettres sont une preuve que le temps de la divinisation de Schopenhauer est passé même pour ses adhérents les plus fidèles, il doit nécessairement arriver aussi que ses adversaires cessent de fulminer contre lui leurs anathèmes. Nous allons entrer maintenant dans une période d’appréciation historique et objective