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plus ancienne. C’est un fait qui n’a pas échappé à M. Nolen, puisque lui-même nous dit avec une modestie excessive (p. 383) : « Notre propre travail n’a été sur bien des points que la justification et le développement de la réponse à Eberhard. » Il y a loin d’une indication rapide à un travail comme celui de M. Nolen, qui suppose une immense lecture et qui n’embrasse pas moins que tout l’ensemble de la philosophie allemande depuis Leibniz jusqu’à Hegel et Schopenhauer.

Cependant l’esprit du lecteur n’éprouve aucun embarras à saisir et à comprendre une telle étendue, et cela grâce à la simplicité du plan suivi par M. Nolen. Son livre se divise en cinq parties : La première expose la métaphysique telle que l’ont successivement enseignée Leibniz et Wolff ; la seconde est une histoire de la pensée de Kant (de 1746 à 1781, c’est-à-dire depuis le premier ouvrage publié par Kant jusqu’à la publication de la Critique de la Raison pure) ; la troisième est une exposition de la philosophie critique faite d’après les trois Critiques et les Principes métaphysiques de la science de la nature ; la quatrième est un essai de conciliation théorique entre la métaphysique de Leibniz et la critique de Kant ; la cinquième enfin, une histoire de cette conciliation telle que l’ont opérée dans le développement de la pensée allemande Fichte, Schelling, Hegel et Schopenhauer.

Première partie. — La métaphysique dans Leibniz et dans Wolff. — On sait que Kant a connu Leibniz de deux manières, par les écrits de Leibniz lui-même et par ceux de Wolff. Comme la métaphysique de Wolff dominait dans les universités allemandes au moment où Kant faisait ses études, il est permis de supposer que d’abord il a plus connu Leibniz par Wolff que par Leibniz lui-même. Il était donc important de distinguer le Leibnizianisme de Leibniz du Leibnizianisme de Wolff, et c’est à quoi M. Nolen s’est tout d’abord appliqué. C’était une tâche laborieuse, car les œuvres de Wolff se composent de 23 vol. in-4o, et comme Wolff n’est pas un esprit de premier ordre, comme Wolff est un écrivain assez lourd et prolixe, on n’est pas du tout sûr en le lisant d’être payé de sa peine. Il est vrai que M. Nolen a pu s’aider d’une foule d’ouvrages publiés dans notre siècle sur la philosophie de Wolff, d’histoires, d’abrégés, d’analyses, d’extraits. Mais ces ouvrages sont, en général, des ouvrages d’Hégéliens parfaitement préparés à être injustes à l’égard de Wolff. Assurément M. Nolen est bien loin des préjugés de cette sorte ; il rend à l’occasion justice à chacun ; j’en citerai pour preuve une définition de la philosophie rapportée p. 39, une distinction de la légalité et de la moralité rapportée p. 57. Cependant je ne suis pas sûr que M. Nolen eût assez complètement résisté au courant des idées aujourd’hui répandues en Allemagne sur la philosophie de Wolff.

Pour ce qui est de la connaissance directe de Leibniz par Kant, je n’indiquerai qu’un point sur lequel j’aurais aimé que M. Nolen nous eût donné plus de développements. Rien n’est plus curieux que l’histoire de la publication des œuvres de Leibniz. Il y a dans cette histoire un détail des plus importants qui n’a pas échappé à M. Nolen, c’est que les Nou-