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traire réfléchi, mesuré et combiné est tout à fait analogue au développement moral, intérieur. Pendant ce dernier, nous apprenons également, par l’exercice et l’habitude, à subordonner les uns aux autres nos appétits, nos désirs, nos maximes, et à en faire sortir une volonté unique, consciente, conséquente. Nous ne sommes libres que dans la mesure où cette opération morale nous réunit. Il n’y a pas de doute que nous ne gravitions nécessairement dans la direction où nous portent nos maximes et nos désirs les plus fortement développés. Demander à un individu sans éducation, esclave de ses mauvaises habitudes, de ses vices et de ses passions, la force de prendre librement une résolution vertueuse, c’est comme si nous ramassions dans la rue un apprenti cordonnier, et si nous le mettions devant le piano, en le priant de nous jouer une sonate de Beethoven. L’homme n’est pas de naissance un être libre, il est seulement libre s’il le devient par ses propres efforts. La mesure dans laquelle il acquiert cette liberté dépend sans doute en grande partie des circonstances extérieures de son développement. Mais n’oublions pas que la faculté de se développer n’a été accordée à un degré si élevé à aucune autre créature de notre connaissance, qu’il a été donné à l’homme de s’accommoder aux conditions les plus diverses, de maintenir et d’étendre en face d’elles l’individualité de son être.

A. Horwicz.