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horwicz. — développement de la volonté.

renfermer : l’amour, l’amitié, le dévouement au bien public, le patriotisme, la piété, etc. Le flot de nos sentiments déborde de toute part avec des sons sublimes, des accords de plus en plus harmonieux ; tantôt calmes et profonds, tantôt se manifestant par des cris de joie ou de douces plaintes, tantôt patients et persévérants, ils présentent une diversité comparable seulement à celle des destinées humaines, changeantes et innombrables, qui s’agitent pêle-mêle dans le courant étroit de la vie. On dirait que l’organiste a tiré tous les registres pour répandre d’immenses flots d’harmonie.

Quelle que soit la brièveté d’une esquisse sur la volonté, il est impossible de passer sous silence la célèbre question du libre arbitre. On sait à combien d’écrits, à combien de discussions elle a donné lieu. Il ne peut pas entrer dans mes intentions de vouloir traiter à fond un problème si épineux. Je ne puis que me borner à exposer en quelques traits fondamentaux mon opinion telle qu’elle résulte naturellement, logiquement, des explications précédentes.

L’homme n’est pas né libre, selon l’expression du poète favori de notre nation ; du moins il ne l’est pas en ce sens, qu’il vient au monde en être doué du libre arbitre. Mais en se développant il peut certainement arriver à un haut degré de liberté. Au moment de notre naissance, nous sommes de très-faibles créatures, entièrement à la merci de notre entourage. Le mouvement réflexe, cette première forme de réaction contre les excitations est soumis à des conditions tout à fait physiques, mécaniques, anatomiques ; les appétits, accompagnés déjà de la conscience d’un plaisir éprouvé, provoquent un mouvement connu ; le désir est guidé dans ses opérations par l’expérience et un calcul raisonné. Dans la phase de la réflexion délibérante, nous avons déjà à notre disposition une grande dextérité, une grande habitude, et nous savons combiner, coordonner nos modes d’action d’une façon très-variée et conforme à notre but. Voilà le matériel et en même temps l’instrument avec lequel notre volonté mûrie doit agir. Il faut apprendre à le manier et nous sommes seulement libres, selon le degré d’habileté avec lequel nous savons nous en servir. Il en est de cette liberté comme de celle de l’artiste. Le plus grand génie, s’il n’a pas appris à manier le pinceau ou le ciseau, n’est pas un artiste qui crée librement ; c’est un mauvais ouvrier, un esclave de la matière ou du hasard.

Le type de notre liberté extérieure est le mouvement arbitraire de nos membres, que nous ne possédons pas par droit de naissance, mais que nous sommes obligés d’acquérir péniblement par l’exercice et l’habitude. Ce développement de nos mouvements extérieurs depuis le mouvement réflexe mécanique jusqu’au mouvement arbi-