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n’avons nulle conscience de cette multiplicité des appétits. Ici aussi a lieu une sorte de concurrence vitale et un nombre relativement polit réussit, à se faire jour. Cependant d’une manière absolue ils existent encore en grande quantité, et une observation attentive nous fera trouver en nous à chaque instant un nombre assez considérable d’appétits de nourriture, de respiration, de lumière, de sons et d’autres appétits de sens et de mouvement.

II. — Souhait et Désir.

La deuxième phase (stade) commence au moment où le souvenir et la conscience claire sont complètement développés. Arrêtons— nous encore à cet exemple de l’enfant nouveau-né qui a faim. Plus il répété l’acte de la nutrition, plus il se familiarise avec les mouvements nécessaires pour saisir, sucer, avaler, qu’il exécutait d’abord avec incertitude, avec des tâtonnements, en criant et en se démenant inutilement. En même temps il parvient à savoir que ces mouvements servent à apaiser la sensation de la faim, dont la connaissance lui est également devenue familière. Tout souvenir est une association, à savoir une association d’une sensation (appétit), d’un mouvement (réaction) et d’une satisfaction des sens amenée par ce dernier (faim, nourriture, jouissance, goût agréable). Plus cette association devient familière, plus le souvenir qui en résulte devient clair, net, saisissant, plus aussi celui-ci se présente à nous comme un fait indépendant, détaché de l’appétit ; c’est-à-dire que maintenant l’idée de la nourriture et du bien-être qu’il cause, peut naître indépendamment des fortes sensations de la faim qui au commencement étaient nécessaires pour produire toute cette série de phénomènes. Ici nous entrons dans la phase du souhait et du désir. Il procède, comme nous le voyons, par voie de développement graduel, de l’appétit auquel il se rattache par la phase transitoire, de l’appétit expérimenté. Et voici en quoi consiste le progrès : dans la phase de l’appétit brutal, le mouvement, par lequel nous réagissions contre la sensation en cherchant à la satisfaire, était livré au hasard ou trouvé par tâtonnements ; dans la phase de l’appétit expérimenté nous venions d’apprendre à le connaître ; maintenant, grâce à la pratique, il nous est devenu familier. Ce dernier point constitue immédiatement une différence importante.

L’appétit procède essentiellement du déplaisir. Le déplaisir, la douleur, sont à proprement parler ce qui nous excite, tandis que le