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Th. ribot.durée des actes psychiques

plus la répétition et l’habitude ont une très-grande influence sur cette diminution. Dans une longue série d’expériences, les conditions extérieures restant les mêmes, on voit le temps physiologique devenir très-petit (quelques millièmes de seconde) ou même complètement nul.

La diminution du temps physiologique s’explique par l’état d’extrême attention qui empêche tout retard dans la perception et dans la réaction. Mais comment ce temps peut-il devenir nul ? Il faut remarquer que, dans les expériences actuelles, toute indécision étant écartée, le sujet tend à faire coïncider exactement son mouvement de réaction avec l’impression perçue et c’est ce qui arrive, surtout après plusieurs essais répétés. Dans certains cas, l’attente est si vive que l’impression doit être perçue plus tôt qu’elle n’a lieu en réalité, et comme l’état d’innervation motrice est à son plus haut degré, la réaction suit immédiatement la perception.

Exner fait remarquer que, dans, ces expériences si rapides, le sujet habitué sait très-bien si son enregistrement est bon ou mauvais, quoique la différence sentie en pareil cas ne soit guère que de quelques centièmes de seconde ; et il le sait par la différence d’intervalle qu’il perçoit entre l’impression et le mouvement. Ce fait montre quelle précision extraordinaire notre sens intime peut avoir dans les recherches de cette sorte.


III. Au lieu de simplifier l’expérience, comme dans le cas précédent, on peut se proposer de la compliquer.

Le cas de la moindre complication est celui-ci : la nature de l’impression est connue, mais on ne détermine ni le moment de son apparition, ni son intensité. Soit une impression auditive : on fait se succéder, sans aucune règle, des sons intenses et des sons faibles. En pareil cas, le temps physiologique est toujours augmenté. Wundt a fait deux séries d’expériences, l’une avec changements uniformes, l’autre avec changements sans règle :

I. Changement uniforme II. Changement sans règle
Son intense 
0,116 0,189
Son faible 
0,127 0,298

Le temps physiologique augmente encore, lorsque dans une série de sons forts, on intercalle brusquement un son faible et vice versa : la durée peut aller jusqu’à 0,4 — 0,5 de seconde. En pareil cas, les différences ne doivent être attribuées ni à la durée de la perception, ni à la durée de la transmission, mais à celle de la réaction. Cette durée croît, parce que les conditions de l’expérience sont telles que l’attention est prise en défaut ; l’effort antérieur qui simplifie le