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LES ANTÉCÉDENTS DE LA PHILOSOPHIE CRITIQUE




DE L’ANTIQUITÉ JUSQU’A LOCKE


I


La philosophie critique n’a pas débuté par la Critique de la raison pure. Pour en venir là, il a fallu toute la philosophie du xviie siècle, Descartes, Malebranche, Spinoza, Leibniz, et surtout Locke et Hume dont les recherches sur l’esprit humain ont inspiré et préparé l’entreprise du philosophe allemand. Il est certain que l’initiative de cette analyse qui a pour objet nos idées et nos facultés intellectuelles appartient surtout à la philosophie moderne, et particulièrement à la philosophie du dernier siècle. Toutefois, le problème de l’origine de nos connaissances est tellement capital qu’il n’a pu échapper à l’attention des grands philosophes de l’antiquité. C’est, en effet, le problème philosophique par excellence, qui domine tous les autres, et auquel tous les autres sont subordonnés, même les problèmes relatifs à l’objet et à la méthode de la philosophie. Toute question de doctrine et d’école revient au problème de l’origine des idées. Qu’y a-t-il de vrai ou de faux dans l’idéalisme ou l’empirisme, dans le spiritualisme et le matérialisme, dans le scepticisme ou le mysticisme, que faut-il penser de la certitude et de la vérité objective de nos idées, que faut-il penser de la méthode dite spéculative ou à priori avec laquelle certains philosophes ont conçu et construit leurs systèmes, quelle est la véritable méthode à suivre dans l’élaboration des synthèses auxquelles on donne ce nom : toutes ces questions et bien d’autres encore ne peuvent être résolues qu’autant qu’on a vu clair d’avance dans le problème de l’origine ou des origines de la connaissance humaine.

Les premières écoles de la philosophie grecque s’occupaient trop exclusivement des phénomènes du monde physique pour pouvoir consacrer aux phénomènes de l’ordre psychologique toute l’attention