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certainement une influence majeure sur les phénomènes dont la terre est le théâtre ; cette croyance est le point de départ d’un mythe des plus hardis, développé dans le Politique. Mais il s’est bien gardé de proposer aucun nombre parfait pour cette année parfaite ; au milieu des singulières audaces mathématiques du Timée, ce silence est significatif ; le problème est réellement déterminé pour Platon, mais il est insoluble dans l’état de la science à son époque ; ce nombre « parfait » existe, mais il est inconnu.

Dire qu’il y a une grande année, c’est simplement poser en principe que la durée de chaque révolution planétaire est commensurable avec le jour sidéral ; or, au temps de Platon, l’astronomie était assez avancée pour que l’on sût avec certitude que la mesure de ces durées n’était pas, en tout cas, un nombre entier de jours ; il en résultait forcément que le nombre de la grande année devait contenir beaucoup de facteurs premiers différents et dépasser d’ailleurs comme valeur les nombres facilement concevables pour les anciens (πολλὰς περιόδων μυριάδας, Platon, I, 584, 15-16, in Politico).

Enfin tout nombre énoncé pour la grande année pouvait être soumis à un critérium à la portée de chacun, la concordance avec le cycle de Méton.

Dans ces conditions, attribuer à Platon un nombre déterminé quelconque pour la grande année, c’est le supposer gratuitement capable d’une absurdité qu’il faut laisser à d’autres. Nous ne pouvons donc rien tirer de la période cosmique, puisqu’il s’agit au contraire évidemment, dans la phrase obscure, d’un nombre déterminé et déterminable.

IV. Si par θείῳ γεννητῷ on entend l’âme (cf. le Politique), la première allusion de Platon se rapporte à une période palingénésique, c’est-à-dire réglant la transmigration des âmes.

On sait, soit par le Phèdre, soit par le mythe d’Er dans la République, que Platon admettait que tous les mille ans, chaque âme entrait dans un nouveau corps mortel. Cette période est devenue classique (Virgile) ; mais elle n’appartient pas particulièrement aux pythagoriciens, comme on serait tenté de le croire. Ceux-ci, d’après les « Theologumena Arithmetices, » auraient préféré le nombre 216, cube du parfait 6, comme 1 000 est le cube du parfait 10[1].

D’après le Phèdre, les âmes tombées du ciel subiraient sur la terre l’épreuve de neuf vies successives (réduites à trois pour les philosophes), et reviendraient enfin à leur point de départ après un cycle de dix mille ans.

  1. Rien ne prouve d’ailleurs que ces nombres 216 ou 1 000 aient pu jamais être eux-mêmes qualifiés de parfaits.