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tique elle-même, que nous ne voulons pas juger, est semée d’aperçus neufs, ingénieux, de vues élevées et profondes. Bref, M. Schasler a raison de soutenir que l’esthétique peut avoir son histoire, et son livre le prouve. Est-ce une véritable histoire ? Ce que nous avons dit fournit la réponse et motive notre jugement général sur les travaux publiés jusqu’ici en ce genre, et qui devaient avoir leur place dans cet exposé.


V


De cet aperçu général et de l’examen rapide que nous avons fait des travaux exécutés chez nos voisins sur cette branche de la philosophie, quelle conclusion devons-nous tirer ? Que devons-nous augurer pour l’avenir de cette science des progrès qu’elle a faits, de son état présent, des conditions où elle est engagée ainsi que de ses tendances nouvelles ? Enfin si nous voulons nous-mêmes prendre part à ces travaux, ne pas rester à l’écart ou en arrière, que devons-nous faire et par où devons-nous commencer ? Nous ne pouvons répondre que très-sommairement à ces questions en récapitulant ce qui a été dit, et en dégageant de l’exposé précédent les conséquences principales.

Nous avons reconnu deux grandes directions suivies dans la marche de cette science, comme toujours exclusives et opposées. L’idéalisme et le réalisme se la sont également disputée. Toutes les œuvres de quelque importance, qui, dans cette dernière période, marquent son histoire, appartiennent à ces deux écoles. À l’idéalisme, sans contredit, sont dues les productions les plus nombreuses et les plus remarquables. Mais le réalisme n’a pas moins bien servi la science à sa manière, soit en s’opposant aux exagérations du système contraire et en faisant ressortir ses défauts, soit en cultivant avec succès la portion de terrain qui lui est propre, et en lui faisant produire ce qu’il est capable de porter. Finalement, nous voyons les deux écoles se rapprocher. Le besoin se fait sentir de plus en plus à l’idéalisme de s’unir au réalisme, de lui emprunter sa méthode et ses procédés sans renoncer aux siens ; de partir de l’expérience et de s’appuyer sur les faits, d’être en un mot plus positif, sans cesser de prendre pour guide la raison et de consulter les idées.

En même temps, sans abandonner le langage sévère de la science, il consent à se dépouiller en partie de ses formules, à parler un langage plus clair, plus intelligible pour tous, plus voisin de la langue