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Mais la science elle-même ne nous impose-t-elle pas une autre forme plus tranchée du dualisme, en appelant partout notre attention sur la différence entre l’expérience interne et externe, différence qui forme la base de la division des sciences en deux grandes classes, celles de la nature et celles de l’esprit ? Mais plus nos connaissances psychologiques progressent, plus les liens qui unissent partout l’expérience interne et externe se montrent clairement. Ce que nous appelons expérience externe est dominé par les formes de nos intuitions et de nos idées. Pour former nos perceptions et nos idées nous avons sans doute besoin d’une impulsion extérieure, mais elles n’en existent pas moins elles-mêmes en nous, c’est-à-dire qu’elles sont des éléments de notre expérience interne. Toute expérience est en premier lieu une expérience interne. Si donc la science tend à un système monistique du monde, ce système doit reconnaître franchement la priorité de l’expérience interne ; ce ne peut donc être que l’idéalisme.

Ce mot est encore trop facilement exposé à être mal compris. On s’imagine — et la voie suivie par la philosophie idéaliste après Kant contribue à propager cette opinion — que l’idéalisme refuse absolument de reconnaître l’expérience externe comme une source réelle de connaissance, et que, selon lui, toutes nos connaissances dérivent des idées qui sont en nous avant toute expérience. Mais déjà l’idéalisme de Kant qui, au point de vue des rapports entre l’expérience externe et interne, penchait vers un système monistique, ne répond nullement à cette opinion, et l’idéalisme, auquel les sciences naturelles tendent actuellement, est également d’une espèce toute différente.

Hégel, en qui la philosophie idéaliste postérieure à Kant a trouvé son expression dernière, a fondé son système de la connaissance sur le mouvement spontané de la pensée pure. En reconnaissant que les principes les plus généraux de la logique, le principe d’identité et le principe de contradiction, ne peuvent pas servir de base à nos connaissances, il a pris comme point de départ de son système un nouveau principe, prétendu logique, celui de l’opposition réelle. D’après lui, chaque idée contient son contraire ; en s’unissant avec lui, elle engendre une nouvelle idée dans laquelle le même mouvement de la pensée se répète, jusqu’à ce qu’enfin tout le monde de nos idées s’unisse dans un ordre spontané et forme le système de nos connaissances. En vérité personne ne peut nier que l’opposition réelle ne domine partout nos pensées. Nous parlons de l’opposition dans les directions de l’espace et du mouvement. L’attraction et la répulsion règnent dans le domaine des forces physiques et chimiques. Nos