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sent leur avoir été inspirés précisément par ces rêves dans lesquels nous voyons des choses qu’il nous semble connaître depuis longtemps et dont cependant au réveil nous ne nous souvenons point d’avoir eu réellement connaissance. »

Havelock Ellis rapporte à Spencer la priorité de l’idée que la croyance aux esprits a son origine dans les rêves. Wundt voyait dans les rêves l’origine de l’animisme. Tylor trouve en eux la source principale de la religion et de la philosophie.

Il n’y aurait sans doute pas beaucoup à chercher pour trouver des idées semblables plus ou moins nettement exprimées par des auteurs plus anciens. Bien avant les précédents, vers 1820, Ch. Nodier avait, dans Le Pays des Rêves, formulé une véritable théorie de l’origine onirique des croyances religieuses. Il écrit en effet :

« C’est le rêve qui a enfanté les images terrifiantes des dieux de l’Inde et de la Chine ; et de là à croire que ces dieux ont quelque part dans un autre monde une existence réelle, il n’y a qu’un pas. C’est donc dans le rêve qu’il faut chercher l’origine des religions. » A l’appui de son idée, il dit que de Protagoras jusqu’à Lalande, tous les hommes qui n’ont pas rêvé étaient des athées. Je doute que cette proposition soit absolue et, en tout cas, je m’inscris en faux contre sa réciproque, sachant d’expérience personnelle qu’on peut être à la fois athée et grand rêveur. Mais cela n’empêche pas que j’accepte entièrement son opinion en ce qui concerne l’origine des croyances.

A une époque plus récente, Beaunis, à son tour, développe la même idée d’une façon très précise et en excellents termes. Il dit en effet, p. 283 :

« Les légendes qu’on trouve à l’origine de toutes les religions, les croyances aux êtres fantastiques les plus invraisemblables, les visions des mystiques, les manifestations quelquefois si étranges de l’art primitif (hindou, étrusque), ont en grande partie leur point de départ dans les souvenirs du rêve. L’Apocalypse de saint Jean n’est qu’un long rêve sur lequel a vécu le Moyen Age. Ce sont les rêves des mystiques qui ont engendré cette doctrine de l’Adoration du Sacré-Cœur, qu’a transformé le catholicisme, et on sait quelle est aujourd’hui l’influence de cette doctrine sur les consciences. La croyance à la survivance après la mort a son origine dans le rêve. »

El plus loin, p. 286 :