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que ce soit l’inquiétude anxieuse ou la bonne volonté intense qui les anime… » Et W. James conclut par ce conseil : « Vous devriez baisser le ton ; car vos visages sont trop expressifs et vous vivez trop intensément les moments vulgaires de la vie. » Un autre exemple de futurisme excessif serait le Futurisme, surtout littéraire, il est vrai, de M. Marinetti et de ses amis. Quant au Futurisme supra-normal, ce serait celui de ces visionnaires de l’Avenir qui, comme Wells, décrivent avant l’heure, dans l’infini du Temps, des orbes mystérieux ou qui, comme James lui-même, appellent de leurs vœux la Nouveauté indéfectible, le renouvellement perpétuel de la vie, « bouillonnement intarissable de faits nouveaux »…

La Nostalgie et le Futurisme rentrent dans les grands rythmes inconnus qui emportent la vie psychologique et la vie universelle. La loi de récurrence est une des plus générales qui existent ; elle domine toute la psychologie zoologique où elle rend compte des lois du dressage et de la genèse des Instincts[1] ; elle est sous-jacente à toute la psychologie humaine. La loi du Futurisme nous porte en avant selon des courbes inconnues, que ce soit le cercle monotone du Retour Éternel ou la spirale à l’infini, ou les escaliers que Piranesi fait tournoyer et plonger éperdument dans les infinis d’ombre. Aussi bien, tous nos symbolismes n’expriment que notre ignorance, notre arrêt hagard devant l’abîme. Le regard humain ne peut embrasser qu’une portion infime des rythmes informulables selon lesquels le Phénix-Univers se détruit et se répare, s’abolit et se renouvelle à travers les multiples naissances et morts des unités éphémères.

Georges Palante.

  1. Cf. Hachet-Souplet : La Genèse des Instincts, le chapitre sur la loi de récurrence des associations.