Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, tome 81.djvu/361

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ginalité ne réside pas dans le choix de thèmes nouveaux (pour combien de temps ?) mais dans la manière de les traiter.

Il y a des philosophies futuristes ; aussi vieilles, à vrai dire, aussi archaïques que les philosophies passéistes. Elles vont d’Héraclite à M. Bergson et à M. Chide. Ce sont les philosophies dynamistes et mobilistes.

Et il y a des races futuristes. L’Allemand, avons-nous dit, est nostalgique. L’Italien, le Français sont des peuples futuristes. Méridionalisme de Stendhal et de Bizet ; méridionalisme dont s’engouera Nietzsche par réaction contre la lourdeur allemande, la complication et la nébulosité wagnériennes.

Pour juger du rôle et de la valeur des dispositions futuristes dans l’ensemble de l’évolution humaine, on pourrait, comme nous l’avons fait pour la nostalgie, distinguer un Futurisme normal, un Futurisme morbide et un Futurisme supra-normal. — Les dispositions futuristes représentent un des éléments d’une saine psychologie. Nous vivons en avançant, non en rétrogradant. Le mot d’ordre vital est partout : En Avant ! — Mais l’Évolution vitale résulte d’un compromis perpétuel entre ces deux termes : le passé et l’avenir, le mouvement et l’arrêt. Le Futurisme anormal ou morbide, c’est la rupture d’équilibre entre ces deux éléments ; c’est la frénésie du mouvement vital s’accélérant au delà des limites de la prudence ou de la santé. — Dans une spirituelle conférence adressée aux étudiants et intitulée : L’Évangile du Délassement[1], William James met en garde ses compatriotes contre l’excès d’ardeur, de vivacité, de rapidité dans les gestes, contre cette manière d’être trépidante, anxieuse, haletante, contre cette expression hagarde du visage qui résulte d’une vie trop intense, d’un surmenage nerveux, d’une surtension musculaire, où il voit un des traits caractéristiques du tempérament américain. « Les Américains qui restent en Europe assez longtemps pour s’habituer à l’esprit qui y règne, et qui est si peu excitable en comparaison du nôtre, font tous la même remarque en revenant chez eux : les visages de leurs compatriotes leur semblent avoir une expression hagarde,

  1. William James, Aux Étudiants, causeries traduites par H. Marty.