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susceptible d’apparaître dans l’humanité et de se développer avec assez de force pour entrer sérieusement en concurrence avec les formes anciennes, c’est vraisemblablement au sein du spiritisme qu’elle naîtra. Ce spiritisme moderne différera sans doute de l’ancien par ses prétentions scientifiques et morales ; il n’en sera pas moins fondé, comme lui, sur la croyance à la survivance des morts et à la possibilité de communiquer avec eux par des procédés quasi magiques.

Mais la religion peut-elle ainsi se réduire au seul dogme de la vie future ou de l’immortalité de l’âme ? Le dogme de l’existence de Dieu n’est-il pas plus essentiel, seul essentiel, ainsi que l’affirme W. James [1] ?

L’hypothèse spirite nous offre elle-même un moyen de retrouver l’existence de Dieu. Si les esprits s’accordent tous à nous enseigner, à nous certifier cette existence, ce sera en quelque sorte la révélation de Dieu par les esprits. Il y a sans doute quelque chose d’impressionnant dans cette communauté de croyance entre les vivants et les morts ; mais encore faut-il savoir quel est le Dieu que les esprits nous révèlent, et surtout quelle preuve ils nous apportent de la vérité de leurs croyances. Ils ont beau revenir de l’au-delà : leurs connaissances, plus étendues peut-être que les nôtres, n’en sont pas moins relatives comme les nôtres : ils sont logés, sous ce rapport, à la même enseigne que nous. On pense involontairement à la célèbre poésie où Jean-Paul nous montre les morts ressuscités cherchant Dieu et ne le trouvant pas, et le Christ lui-même leur confessant qu’il l’a aussi cherché en vain.

Pourtant, si notre esprit peut, dans sa partie subliminale, entrer en contact avec d’autres esprits par delà les limites du monde matériel, ne peut-il pas aussi sentir l’approche de quelqu’un de plus grand ? Ne peut-il, à de certains moments, avoir l’intuition d’une présence suprême, de la présence de l’Être absolu et infini, source de toute vérité, de toute beauté et de tout bien ? Telle est, ce semble, la pensée de W. James : « Quoi qu’il puisse être au-

  1. L'Expérience religieuse, p. 433. — « Si je n’ai rien dit de la croyance à l’immortalité de l’âme, c’est que la question est pour moi secondaire. — Jusqu’à présent les faits accumulés par les patientes recherches de MM. Myers, Hodgson et Hyslop ne suffisent pas à rendre très probable le retour des esprits après la mort ; cependant j’avoue que leurs conclusions affirmatives ne sont pas sans m’impressionner. »