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gères à l’action comme telle. ï C’est la liberté de choix (Wahlfreiheit), la liberté d’agir ou de ne pas agir, de se résoudre en présence de plusieurs actes possibles ; mais en soi et par soi la liberté de choix n’a encore aucune valeur, et la capacité de choix (die Wahlfäahigkeit) doit toujours s’y ajouter, avant qu’on puisse décider sur la responsabilité.

Dans son livre Du droit de punir, Holtzendorf énumère les conditions qui doivent être remplies pour qu’on puise admettre qu’il y ait eu capacité de choix, capacité de se déterminer soi-même et par suite responsabilité. Ces conditions sont un jugement juste sur la personne même et sur le monde extérieur, la connaissance de la portée et des conséquences de Pacte, la faculté d’une réflexion tranquille qui permette de choisir entre les représentations en lutte. Dans tous les cas de trouble intellectuel (maladies mentales), d’esclavage quelconque de la pensée, et d’incapacité de se déterminer soi-même, il ne peut y avoir responsabilité. Celle-ci peut encore être supprimée par le manque d’éducation et de culture intellectuelle. Dans l’enfance comme dans la première jeunesse, la responsabilité n’existe pas, c’est durant cette époque de la vie qu’elle s’acquiert. Les hommes peu cultivés agissent d’abord, réfléchissent ensuite. La société civilisée s’efforce de préparer ses membres à la responsabilité, mais une éducation élémentaire ne suffit pas à réaliser l’empire de la réflexion sur les actes.

Les matérialistes, s’appuyant sur la statistique, soutiennent que les actes humains sont soumis à une nécessité naturelle, que la réflexion n’exerce sur eux aucune influence. « Le nombre des mariages, dit J. C. Fischer, est aussi régulier que celui des morts, et cependant on ne réfléchit pas pour mourir, comme on réfléchit pour se marier. » Rokitansky n’est pas de l’avis de J. C. Fischer, il voit une sage disposition de la Providence dans ce fait que les hommes se marient habituellement, avant d’être en état de réfléchir suffisamment, car autrement la race humaine ne tarderait pas à disparaître. D’ailleurs Fischer reconnaît lui-même que les mariages varient selon les récoltes, ce qui marque une influence de la réflexion, et que les plus instruits sont les moins sujets aux accusations criminelles, ce qui est plus convaincant encore. Enfin la statistique ne prouve pas la nécessité absolue des actions humaines, puisqu’il y a toujours des différences plus ou moins grandes entre les nombres des années successives. Enfin les matérialistes se contredisent eux-mêmes quand ils demandent comme J. C. Fischer que les lois de l’État « servent à modifier la pensée et l’action nécessaire. »

Les indéterministes soutiennent d’abord que la liberté ou l’absence de contrainte est suffisante pour garantir la capacité du choix (Wahlfähigkeit), mais la plupart en viennent à dire comme Baumann : « Supposez deux esprits adonnés à la même étude : l’un s’égare dans une fausse route, l’autre suit la vraie méthode. Dans le cas où une proposition nouvelle, se rattachant, à cette science, est présentée à ces deux hommes, le premier est très-peu propre à la saisir, le second