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ANALYSES. — fduquesnoy.La Perception.

porté divers noms, ceux, par exemple, de sensation ou de perception des sens, et qui, de nos jours, s’appelle surtout perception externe, demande nécessairement une substance immatérielle pour unique principe immédiat et pour unique sujet ; et cette substance ne fait qu’un dans l’homme avec l’âme pensante ou raisonnable. » C’est à cette thèse que l’auteur rattache tous ses développements, toutes ses discussions, toutes ses démonstrations, sans la perdre de vue un seul instant dans tout le cours de son travail.

L’étude de la perception extérieure est une étude purement expérimentale, la question de la spiritualité de l’âme est la plus difficile des questions métaphysiques ; il est peu conforme aux règles d’une saine méthode de compliquer une étude naturellement simple en la faisant dépendre de la solution d’une question très-difficile. M. l’abbé Duquesnoy n’accepterait nullement cette objection. Il n’y a pas pour lui de question de la spiritualité de l’âme. La spiritualité de l’âme est un fait primitif, évident, sensible dans tous les phénomènes de la vie intérieure. On peut dire, si l’on veut, que la perception extérieure démontre la spiritualité de l’âme, mais c’est uniquement parce que sans la spiritualité de l’âme la perception extérieure est absolument inexplicable. Je ne sais si cette doctrine est vraie, à coup sûr elle est originale ; c’est dans le livre même qu’il faut en rechercher l’exposition complète. Nous devons seulement indiquer ici à quelle tradition philosophique elle se rattache.

L’auteur qu’on suit le plus communément aujourd’hui dans les écoles ecclésiastiques est un Jésuite italien, le P. Liberatore. L’enseignement qui ressort de ses ouvrages peut se ramener à des termes assez simples : la philosophie moderne est fausse ; Descartes qui l’a fondée s’est trompé et les philosophes du XVIIIe siècle qui ont suivi n’ont fait qu’exagérer les erreurs du maître. Si l’on veut renouer la chaîne brisée de la vraie tradition, il faut résolument rejeter toute la philosophie depuis Descartes et reprendre simplement l’enseignement des Scholastiques dont la doctrine n’est qu’une expression nouvelle, plus précise et plus systématique du péripatétisme. Descartes et les siens sont idéalistes, il faut être sensualiste avec Aristote et les docteurs du moyen âge ; le spiritualisme de Descartes est un spiritualisme excessif parce qu’il creuse un abîme entre l’esprit et la matière ; il faut se contenter du spiritualisme de la Scholastique qui unit de la façon la plus intime l’âme et le corps, qui même ne craint pas de donner la matière pour sujet aux actes inférieurs de l’intelligence comme la sensation.

M. l’abbé Duquesnoy est l’adversaire du P. Liberatore. Avec les interprètes les plus récents et les plus autorisés d’Aristote, il soutient que le péripatétisme du moyen-âge n’est nullement conforme à la pensée du maître. Dans tous les cas, il accepte pleinement les principes et les méthodes de la philosophie moderne. Il ne faudrait pas croire pourtant que M. l’abbé Duquesnoy fût simplement un cartésien comme le