ment ; chacun est en état de le mesurer, de le produire lui-même. Voilà, en traits rapides, ce qu’est et ce que veut la science.
Le savant doit s’interdire absolument la recherche des causes finales. « Tout se passe dans le monde des corps, comme s’il n’y avait pas d’esprits », répétaient à l’envi Descartes et Leibniz. Tout arrive dans le monde qu’étudie le savant, comme si aucune pensée, aucune conscience ne se rencontraient dans la réalité. C’est, encore une fois, qu’une cause finale, c’est-à-dire un dessein intelligent ; c’est qu’une pensée, constante ou non, claire ou obscure, ne sont pas des modes du mouvement, ne font pas partie de la réalité matérielle, la seule sur laquelle aient prise les instruments et les calculs de la science.
Le principal reproche que Lange fasse à Démocrite est de ne pas avoir assez rigoureusement écarté la téléologie. « Des grands principes qui servent de base au matérialisme de notre époque, un seul manque à Démocrite : c’est la suppression de toute téléologie v au moyen d’un principe purement physique, qui fasse sortir la finalité de son contraire. Un pareil principe doit être admis, toutes les fois que l’on veut sérieusement établir une seule espèce de causalité, celle du choc mécanique des atomes. » Empédocle a l’insigne mérite de l’avoir tenté le premier, dans l’antiquité. Il admet « la naissance purement mécanique des organismes appropriés à leur fin, par le jeu répété à l’infini de la procréation et de la destruction, jeu où ne persiste, en définitive, que ce qui porte un caractère de durée dans sa constitution relativement accidentelle. » C’est ainsi, du moins, qu’Épicure, et Lucrèce après lui, ont compris la théorie d’Empédocle, l’ont fondue avec l’atomisme de Démocrite et leur propre doctrine sur la réalisation de toutes les possibilités. Lange juge sévèrement la tentative des spiritualistes de l’école de Socrate, qu’il oppose au matérialisme comme une philosophie réactionnaire, a Le matérialisme déduisait les phénomènes de lois absolument invariables ; l’école de Socrate leur opposa une réaction anthropomorphique ».
La finalité existe sans doute dans la nature, mais à titre d’effet, non de cause. Il n’y a aucune analogie, comme nous l’imaginons trop aisément, entre l’art humain et l’activité de la nature. « Les principaux moyens qu’emploie la nature sont tels qu’ils ne peuvent être comparés qu’au hasard le plus aveugle. La mort des germes de vie, l’insuccès de ce qui a commencé est la règle ; le développement conforme à la nature, l’exception. » Qu’on ne dise pas que c’est remplacer le miracle d’une causalité véritable et intelligible par la pure possibilité des hasards heureux. Il n’y a pas de hasard à proprement parler, puisque tout se passe conformément aux lois de la nécessité méca-