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proportionnelle aux accroissements de [1]. Si nous appelons la sensation, nous aurons .

Or, de fait, la force de tension des nerfs est loin d’être constamment égale ; quand le nerf est hypéresthésié, il est en équilibre instable, pour ainsi dire, et cette force de tension est devenue très-faible, de sorte que la moindre force sera suffisante pour provoquer une sensation, ou une douleur. Toujours est-il que, soit à cause de l’augmentation de l’excitation ou de la faiblesse de la tension nerveuse , si la sensation est très-forte, elle devient une véritable douleur.

Il est bon de faire remarquer aussi que la loi de l’équivalence des forces est très-probablement vraie en physiologie comme en physique et que la sensation est moins forte s’il y a mouvement, la force de dégagement se traduisant en partie par l’excitation des nerfs moteurs, et n’étant pas consacrée toute entière à faire naître une sensation. C’est ainsi qu’on peut expliquer comment une vive douleur se trouve soulagée par des cris et des mouvements tumultueux. Évidemment, ce n’est encore qu’une hypothèse, mais on peut admettre que cette hypothèse sera justifiée par des recherches ultérieures.

Pour résumer cette discussion, nous dirons, en nous abstenant de toute hypothèse, que :

La douleur est la perception d’une excitation forte ou qui paraît forte, par suite de l’état d’hypéresthésié des nerfs ou des centres nerveux.

Cette loi, qui n’avait pas été formulée, n’est pas, comme on serait d’abord peut-être tenté de le croire, une banalité ; car elle peut conduire à quelques considérations assez générales.

Les recherches modernes ont à peu près démontré que le cerveau n’est pas un organe à fonctions diffuses ; mais que ses fonctions sont localisées dans telle ou telle partie : enfin des recherches déjà très-anciennes ont montré que le cerveau et le cervelet étaient insensibles à la douleur, tandis que le bulbe, l’isthme de l’encéphale, la moelle épinière, mais surtout les nerfs étaient très-sensibles. On peut donc vraisemblablement admettre d’une part que la sensation douloureuse a un centre, et d’autre part que ce centre n’est pas placé à la périphérie du cerveau, dans la substance corticale des circonvolutions, non plus que dans la substance blanche sous-jacente.

  1. Je ne prétends pas ici entrer dans les détails de la loi psycho-physique, ni donner une formule quelconque de la sensation. Il est clair que la loi de Fechner s’applique à tout autres phénomènes que ceux qui sont examinés ici. (Voyez Delbœuf, La loi psychophysique. Revue philos., 1877, p. 225.)