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périodiques. — Philosophische Monatshefte.

sans doute pas contribué à la rendre plus acceptable. Ne contiendrait-elle pas cependant un fond de vérité ? Et Platon ne voulait-il pas surtout accuser le lien de l’activité scientifique de la pensée et de l’activité pratique ou politique ? Il comprenait que le savoir sert à l’action, et que l’activité pratique, à son tour, prépare et assure les conditions de la vie spéculative. Mais l’union de la science et de l’action est beaucoup plus intime. Ce n’est pas assez de réfuter Aristote, qui assigne à la raison et à la volonté des fins absolument opposées. Il ne faut pas hésiter à reconnaître que la raison est identique à la volonté et au désir. Le moi, qui s’affirme dans son unité supérieure et inaccessible au changement, est l’expression primitive et essentielle de la raison. Or le désir, la volonté n’existent pas sans le moi, et, par suite, sont des fonctions du moi. La vie pratique et la vie théorique ne sauraient donc être séparées. La science ne contribue pas seulement à la réalisation du souverain bien de la volonté, à la perfection morale et physique : elle a son prix en elle-même, la joie de la recherche et de la découverte. Elle n’est pas seulement un instrument du bien et du bonheur général : elle en est un élément essentiel. Les savants n’aspirent plus, comme du temps de Platon, au gouvernement des États : mais ils savent qu’ils y sont utiles et qu’ils en bénéficient.

Barach : La philosophie de Giordano Bruno (2e article).

La connaissance adéquate, parfaite, repose sur la conscience de l’unité du fini et de l’infini, sur le profond sentiment de notre identité de substance avec Dieu. C’est là un acte de foi, une libre affirmation de l’esprit, non une vérité de démonstration. Toute la métaphysique de Bruno repose sur ce principe : « Nous n’avons pas besoin de chercher Dieu hors de nous : nous le trouvons en nous-mêmes, puisque nous sommes des êtres divins. » — Pour s’élever à cette conscience supérieure, nous pouvons suivre la voie directe de l’intuition intellectuelle, ou la voie de la physique. La nature est un livre qui raconte Dieu. Il faut savoir le déchiffrer. La méthode que recommande et pratique Bruno est appelée par lui du nom d’abstraction. Il ne s’agit pas pour lui de l’abstraction logique, propre à la pensée discursive, mais bien d’une sorte d’intuition idéale, comme celle de Platon, qui produit spontanément, au choc de l’expérience, des notions générales. Bruno compare ici les productions de la pensée philosophique à celles du mathématicien. La réalité, telle que la saisit la connaissance adéquate, n’est ni un système d’abstractions logiques, ni un ensemble de phénomènes matériels. Les choses sont, au fond, et en vérité, des généralités concrètes, des idées au sens platonicien. Ramener les phénomènes individuels aux idées, c’est la méthode analytique. Reconstruire les choses à l’aide des principes, c’est procéder par synthèse. Bruno, dans la plupart de ses écrits, suit surtout la première méthode. Il nous donne cependant un exemple de la seconde dans le traité de triplici, numero et mensura, où il expose sa monadologie. Les monades ne sont pas absolument immatérielles. Elles diffèrent de celles de Leibniz, en ce