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analyses.liebmann. Zur Analysis der Wirklichkeit.

élevée par degrés de l’état physique à l’état chimique, de celui-ci à la vie végétale, et enfla à l’animalité. La succession de ses états reproduit la hiérarchie même des êtres. Et toutefois ce progrès s’est fait selon les lois mécaniques ; partant de là, il conclut à la conciliation du règne des fins avec le règne des causes (causalité et théologie) ; — un article sur la Palingénésie éternelle promet au monde une durée indéfinie : les lois ignorent le temps, et la force ne s’épuise pas. Sans doute, les planètes retardées par l’éther finiront par retomber, comme lassées, sur le soleil ; mais de ces chocs, renaîtra une nébuleuse, et notre système recommencera une vie nouvelle. Sans doute, les nébuleuses se refroidiront ; car, en vertu du théorème de Carnot (on ne peut, sans dépense de travail mécanique, faire passer de la chaleur d’un corps plus froid dans un corps plus chaud), elles rayonnent leur chaleur vers les espaces froids interstellaires, et la perdent ainsi sans retour. Mais l’espace est infini et plein, les ressources de l’univers sont donc inépuisables, comme le dit Reuschle. Et sans cela, d’ailleurs, ne seraient-elles pas épuisées, depuis le temps infini que dure le monde ?

Cette démonstration n’est pas parfaite. Pour ce qui est de la transformation du soleil en nébuleuse à l’aide de chocs, il faudrait que la chute des planètes fût brusque. Et pourquoi ? ne peuvent-elles continuer à se rapprocher de la surface du soleil en décrivant des spirales très-lentes, jusqu’à ce que, devenues incandescentes, elles fusent vers elle (à la manière des comètes), ou qu’elles se posent paisiblement sur cette surface refroidie ? — L’argument de Reuschle et le dernier de M. Liebmann supposent l’infinité du monde ; pour la démontrer, ils recourent à deux preuves : d’abord l’espace et le temps sont sans limites, et de plus, ils sont pleins, car sans cela le monde y serait perdu, et dans leur infinité serait comme un néant ; pourquoi ce vide immense ? seulement nos auteurs oublient de prouver que l’espace hors du monde et le temps antérieur sont réels ; sans quoi le vide n’est plus choquant. Or, comment le seraient-ils, si le temps et l’espace sont simplement des formes subjectives, sans réalité propre et indépendante des phénomènes ? D’ailleurs, cette infinité fût-elle établie, toujours est-il que la proportion entre les espaces froids et les chauds est finie, et probablement très-grande, aussi bien que la proportion entre la température moyenne des premiers et celle des seconds. Or, la répartition de la chaleur devant se poursuivre jusqu’à égalisation des températures, il est évident qu’on marche à un état d’équilibre thermique, et probablement de froid et de mort universelle.

Un article très-long et très-plein, intitulé Cerveau et Esprit, a pour objet de déterminer la part de vérité contenue dans le matérialisme. L’auteur nous invite d’abord à rejeter toute préoccupation morale : « On ne peut servir deux maîtres à la fois. » C’est la thèse de la science indépendante. Kant l’eût-il admise, lui qui fonde sur sa morale une doctrine touchant Dieu et l’immortalité, doctrine qui n’emprunte rien à la science, et que la science n’a pas le droit de démentir ? Il est bien