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Alexandre main. — cause et volonté

ment[1] que ni la force ni la cause ne peuvent être identifiées avec la volonté, si nous prenons ce mot dans son sens propre. Voici donc la question que j’ai adressée à M. Lewes et à ceux qui partagent son opinion : en identifiant force et cause avec la sensation de pression, ne les identifiez-vous pas ipso facto avec la volonté ? avons-nous une idée quelconque de la pression tout à fait en dehors de la volonté ? La plus simple sensation de ce genre dont nous ayons jamais l’expérience ne coexiste-t-elle pas toujours avec une volonté exactement proportionnelle ?

Je comprends parfaitement que c’est une erreur de définir l’idée de cause comme identique à celle de volition humaine, si nous prenons volition dans le sens de l’acte d’un groupe spécial de forces organiques. Mais ce que nous appelons la volonté, ce n’est pas le groupe de forces organiques considérées dans leur spécialité ; c’est, indubitablement, l’activité de ce groupe envisagée comme pression, regardée comme force, conçue comme puissance, et l’activité ainsi comprise n’est nullement restreinte à l’opération des forces organiques. Partout où l’on trouve de l’activité se manifestant comme pression, ou sous une forme quelconque suggérant nécessairement l’idée de production de force, je conclus qu’il y a de la volonté. Puisque l’idée de cause nous vient seulement après une production consciente de force, et puisque la volonté ne semble être que cette production de force, ces deux idées ne doivent-elles pas nécessairement être considérées comme se rapportant au même phénomène ?

Mais on pourra me dire : la volonté est une production consciente de force, et, quoique toute activité moléculaire soit une production de force, nous n’attribuons cependant pas de conscience à cette dernière. Et pourquoi pas ? Sommes-nous tout à fait logique en niant qu’elle soit consciente ? D’après la démonstration de M. Lewes lui-même, jamais nous n’aurions eu l’idée de cause en regardant simplement le monde ; cette idée n’a pu nous être suggérée que par une pression consciente sur le monde. Comment donc pouvons-nous parler de quoi que ce soit en dehors de notre conscience comme d’une cause, à moins d’admettre comme un fait reconnu par induction, que tout effort est accompagné de conscience ? Naturellement il y aurait toujours volontés et volontés comme il y a causes et causes ; la volonté qui vise à la formation de l’eau par la combinaison de deux gaz est évidemment différente de celle qui détermine la rédaction de cette note : celle-ci contient un grand nombre de phénomènes particuliers, coordonne un nombre immense de mouvements ; l’autre semble être (l’est-elle réellement ?) un fait excessivement simple. Mais dans les deux résultats il y a une manifestation d’énergie, et s’il y a une cause dans mon cas, seulement parce qu’il y a une manifestation consciente d’énergie, pouvons-nous dans l’autre cas parler de cause, si nous jugeons à propos d’éliminer l’élément de la conscience ? Trouver, comme Schopenhauer,

  1. Problèmes de la vie et de l’esprit, vol. II, p. 354 et aussi 66, 400-403.