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par M. Stewart que l’objet de la psychologie ne se laisse mesurer ni formuler mathématiquement.

L’observation intérieure nous enseigne que les processus psychiques varient quant à leur qualité et quant à leur force. Herbart fut le premier qui tenta de mesurer la force de la sensation, et son essai de psychologie mathématique est digne sous tous les rapports d’attention. Ce qui n’avait pas suffisamment réussi à Herbart, parce que les prémisses métaphysiques avaient été son point de départ, fut réalisé plus tard et mené à bonne fin par Weber et Fechner qui s’appuyèrent sur l’expérience et sur les sciences naturelles. Ils parvinrent à déterminer le rapport qu’il y a entre la sensation et l’excitation, ils découvrirent d’après quelles lois la sensation augmentait en force, et ils revêtirent toutes ces lois de formes parfaitement exactes et mathématiques.

Il est vrai que leurs recherches concernent principalement les sensations, et il arrive souvent de rencontrer l’opinion qu’elles ne sont pas du domaine de la psychologie. Nous protestons nettement contre cette assertion : ou bien les sensations en qualité de premier élément de notre vie psychique appartiennent à la psychologie, ou cette science n’existe pas du tout ; car si elles sont l’objet d’une autre science, fût-ce même de la physiologie, pourquoi les autres phénomènes psychiques qui sont sortis des processus primitifs et des éléments de la sensation ne devraient-ils pas appartenir également à cette science ? Il n’y a pourtant pas de processus psychiques, même les plus élevés, qui ne soient accompagnés de fonctions organiques.

Si un phénomène quelconque est du domaine de la psychologie ou s’il est de celui de la physiologie, ce n’est pas sa dépendance plus ou moins grande des processus organiques, mais c’est sa nature qui en décide. Tout ce qui porte dans l’individu le cachet de phénomène intérieur, dont l’existence nous serait inconnue soit chez nous, soit chez les autres, si nous ne possédions une conscience intérieure, appartient à la psychologie.

Pour éviter un malentendu, nous désirons nous expliquer plus clairement encore. Nous convenons qu’il y a des processus psychiques d’un caractère inconscient, mais qu’on nous dise si nous serions en état de les étudier médiatement chez les autres, en concluant de certains signes extérieurs, si nous n’avions conscience de notre propre vie intérieure et si nous ne pouvions appliquer la mesure des phénomènes qui se passent en nous à ceux que nous étudions autre part ? Si un psychiatre, par exemple, ne reconnaissait l’état psychique de son malade à certains traits extérieurs, à quoi bon lui serviraient en