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LA PSYCHOLOGIE EST-ELLE UNE SCIENCE ?



M. J. A. Stewart a soulevé dans un court article publié dans « Mind »[1] une question très-importante. Elle concerne le droit d’existence d’une science qui depuis un certain temps attire de plus en plus l’attention des philosophes et des savants, voit croître chaque jour le nombre de ses adeptes et étend déjà son influence bien au-delà des régions purement scientifiques. Cette science c’est la psychologie. — Les tentatives que certaines écoles philosophiques ont déjà faites pour rayer la psychologie du domaine des sciences et pour contester la valeur de ses recherches, se sont montrées jusqu’à présent impuissantes. Il ne pouvait en être autrement. Une science qui nous touche de si près, qui nous dévoile les mystères de notre vie intérieure, nous en fait connaître le développement, les lois et les côtés divers, une science telle que celle-là ne peut manquer d’intérêt ni de valeur, tant que le γνῶθι σεαυτόν de Socrate conservera son importance et que la connaissance de soi-même sera reconnue comme condition indispensable de la connaissance du monde et comme base de la vigueur morale de l’homme.

Il est vrai que la psychologie comme science ne s’est développée que très-tard. La raison en est peut-être dans cette circonstance que l’esprit humain éprouve plus de difficulté à percevoir les phénomènes qui le concernent de près, que ceux qui sont plus éloignés ; de même que notre vue embrasse les horizons lointains avec plus de facilité qu’elle ne remarque les objets plus rapprochés. La psychologie a donc été pendant des siècles un tissu d’abstractions métaphysiques ou d’observations incomplètes tirées de l’expérience intérieure. Les penseurs anglais et français ont été les premiers à imprimer à l’expérience intérieure la direction qui lui convenait et ils l’ont soumise à une méthode nouvelle consistant en une analyse critique des phénomènes complexes de la vie psychique. Lorsqu’à ces résultats acquis par des penseurs tels que Locke, Hume, Berkeley, Condillac, Bonnet, Dugald Stewart, etc., vint se joindre encore l’appui des découvertes physiologiques et spécialement de la physiolo-

  1. Voir l’analyse de cet article : Revue philosophique, tome III, p. 107.