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réfléchir, que ce qu’ils rejettent ici, ils l’acceptent ailleurs. Il existe le même rapport entre la psychologie appliquée qu’entre la biologie et les sciences naturelles descriptives. La biologie étudie les caractères généraux et les lois de la vie. Personne cependant ne conteste la légitimité d’un autre groupe de sciences, concrètes, subordonnées, ayant pour objet non plus les phénomènes vitaux en général, mais les êtres vivants. De même, la psychologie — et il importe peu ici qu’on la considère comme une science indépendante ou comme une partie de la biologie — ayant pour objet l’étude des phénomènes mentaux en général, n’exclut point l’étude des êtres réels, des individus sentants ou pensants. Cette psychologie appliquée est et restera une œuvre de classification, une taxonomie ; mais c’est elle qui détermine les types et les variétés spécifiques. La psychologie ordinaire restera toujours muette à cet égard, puisque par sa nature même, elle néglige tout ce qui n’est pas général. Son œuvre consiste à classer les phénomènes mentaux, à décrire leur genèse sans s’inquiéter des combinaisons diverses qui naissent de leurs divers croisements. Au contraire de la psychologie générale qui est surtout analytique, la psychologie appliquée sera surtout synthétique, au moins quant au but qu’elle poursuit. Il est par suite assez naturel qu’elle ait été entrevue d’abord plutôt par les artistes que par les psychologues de profession : car, l’artiste a au plus haut degré le sentiment spontané de cette corrélation des parties, de cette logique intérieure qui se retrouve dans tous les êtres vivants ; en sorte qu’on peut dire que, quand il crée, il fait une œuvre de psychologie appliquée, d’après des procédés inconscients.

II

La psychologie générale, telle que M. Taine l’a comprise dans son Traité de l’Intelligence, contient deux parties : l’une analytique, l’autre synthétique. La première décompose la connaissance en ses éléments ; la seconde en explique le mécanisme.

L’étude analytique descend des signes aux images, des images aux sensations, des sensations à leurs derniers éléments, non révélés par la conscience. Elle a pour but de montrer que tout signe est le substitut d’une image, toute image le substitut d’une sensation.

Le rôle important des signes n’a été méconnu par aucune école philosophique ; mais les partisans de l’expérience sont ceux qui l’ont fait le mieux ressortir. Ici M. Taine retrouvait ses maîtres. Il fait remarquer que, dans la grande famille des signes, il y a une espèce,