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animaux ou des plantes, consiste à démêler, dans cet ensemble confus de caractères, ceux qui sont dominateurs. Eux trouvés, la constitution psychologique de l’individu s’en déduit, comme la conclusion des prémisses.

L’anatomie comparée montre que le développement exagéré d’un organe dans un animal amène l’appauvrissement d’organes correspondants. C’est la loi de balancement organique de Geoffroy-St.-Hilaire, appelée encore de nos jours loi de réduction ou de développement rétrograde. Pareillement, l’historien psychologue constate que la prédominance exagérée d’une faculté intellectuelle ou morale entraîne l’affaiblissement des facultés inverses.

La théorie des analogues peut également passer du domaine de l’anatomie comparée dans celui de la psychologie appliquée. Dans une classe ou un embranchement, le même plan d’organisation se retrouve chez toutes les espèces. Dans une même race, à une même époque, la même constitution psychologique se retrouve sous les diversités innombrables qui la dérobent à première vue.

Ajoutons que les lois de l’hérédité, de. la sélection naturelle, de l’adaptation jouent un rôle aussi considérable dans la vie mentale de l’homme que dans sa vie physiologique. « Pour l’histoire naturelle et l’histoire humaine, les deux matières sont semblables. Par tous ses développements, l’animal humain continue l’animal brut, car les facultés humaines ont la vie du cerveau pour racine,… et par cette prise les lois organiques étendent leur empire jusque dans le domaine distinct, au seuil duquel les sciences naturelles s’arrêtent pour laisser régner les sciences morales. »

En somme, transporter dans l’étude intellectuelle et morale des races, des peuples et des individus humains les lois et les conceptions générales qui servent de guide à l’anatomiste dans son étude comparative des autres êtres : tel est le but que M. Taine s’est proposé. Même réduite à cette esquisse sèche[1], sa méthode nous apparaît dans ses traits essentiels : on voit à quelle école il l’a apprise, par quelles études il l’a préparée. On voit aussi ce qu’il peut revendiquer en propre ; en quoi il diffère de Lazarus, de Steinthal et de tous les promoteurs de la Völkerpsychologie. Ceux-ci indiquent un objet à étudier plutôt qu’une méthode pour étudier ; ils cherchent à déterminer plutôt des causes que des lois. Ils disent fort bien que pour faire la psychologie des races, il faut examiner le langage, la mythologie, la religion, le culte, la poésie populaire, l’écriture, l’art, la vie pratique, les mœurs, les lois écrites, les occupations journa-

  1. Pour plus de détails, voir l’introduction à l’Histoire de la littérature anglaise et la préface des Essais de Critique et d’histoire, 3e édition.