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tées algébriquement, les notions de qualité doivent conserver leur essence, et ne pas se transformer en notions de quantité. Mais si les signes et les symboles employés en algèbre sont les signes et les symboles de notions quantitatives et de rapports quantitatifs, cela tient-il à la nature des opérations qu'ils désignent, ou aux substratums auxquels ces opérations s'appliquent? C'est un fait, ou, si l'on aime mieux, un principe aujourd'hui reconnu des mathématiciens, que la validité de l'analyse algébrique dépend, non de l'interprétation des symboles employés, mais uniquement des lois de leur combinaison. Étant donnée une formule analytique, tout système d'interprétation qui n'affecte pas la vérité des relations supposées, est également admissible, et cette formule peut représenter, avec une interprétation, la solution d'une question relative aux propriétés des nombres, avec une autre, celle d'un problème géométrique, avec une troisième, celle d'une question de dynamique ou d'optique 1 . Négligeons toutes ces interprétations possibles, et il reste un système d'opérations douées de propriétés spéciales. L'analyste traite ses formules en tenant seulement compte des opérations qui y sont engagées, sans se préoccuper des interprétations variées dont elles sont susceptibles. La mathématique abstraite et générale n'a donc pas pour objet, comme on l'a répété tant de fois, des notions de quantité, numériques, géométriques ou mécaniques, mais des opé- rations considérées en elles-mêmes, indépendamment des matières diverses auxquelles elles peuvent être appliquées.

Soit, par exemple, l'addition ; c'est une opération qui, en fait, se présente sous des formes variées. Ainsi, l'addition des nombres con- siste dans la réunion des groupes d'unités; l'addition des longueurs, des angles, des surfaces, etc., dans la juxtaposition de ces gran- deurs; l'addition des forces, dans l'application de ces forces à un même point, suivant une même direction. Voilà trois opérations désignées par le même nom, et dont le but et les moyens d'exécution diffèrent; aucune d'elles ne peut être prise comme type des autres; l'addition proprement dite ne peut être définie ni par l'une ni par l'autre. Mais ces opérations, si différentes qu'elles soient entre elles, présentent, quand on les détache des matières spéciales avec les- quelles elles font corps, certaines propriétés communes, exprimées par les égalités suivantes :

1o pour a = a', a + b = a' + b ;

2o a + (b + c) = (a + b) + c ;

3o a + b = b + a ;

4o a + 0 = 0 + a = a.

1 . The mathematical analysis ; Introd.