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NAVILLE. — PRINCIPES DIRECTEURS DES HYPOTHÈSES

C’est un progrès immense vers l’unité que d’avoir ramené à une commune origine toute la faune et toute la flore. Après cette énorme réduction, il reste encore, dans le champ de l’histoire naturelle, la dualité de la vie et de la matière. Cette dualité est supposée dans les conclusions de M. Darwin puisque, dans le passage cité plus haut, cet auteur remonte à la cause première pour expliquer l’apparition de la vie ; nous allons voir la recherche de l’unité faire un pas de plus.

Quatrième hypothèse. Les êtres vivants ne renferment aucun principe spécial ; ils ne sont qu’une simple transformation de la matière inorganique.

C’est la théorie de la génération spontanée. Elle est aussi ancienne que la philosophie, en sorte que son histoire interdit de la considérer comme le résultat moderne des progrès de l’observation et de l’expérience. L’hypothèse ne s’appuie plus ici sur aucun fait constaté. Plus les observations deviennent précises, plus la doctrine est forcée à battre en retraite. On a cru jadis à la formation spontanée d’animaux d’un rang assez élevé ; de nos jours on ne soutient plus l’idée de la formation spontanée que pour des organismes tout à fait inférieurs. La constatation des germes vivants répandus dans l’atmosphère la rend de plus en plus improbable[1], et l’induction scientifique est conduite à prévoir : « qu’à mesure que nos moyens d’investigation se perfectionneront, on trouvera que les cas de génération qu’on regardait comme spontanées, rentrent dans des cas physiologique ordinaire[2]. » Un des défenseurs du transformisme reconnaît expressément que la doctrine qu’il soutient n’a pas une base expérimentale réelle. « Il est impossible, dit M. Oscar Schmidt, de démontrer par les faits le commencement subit de la vie, mais l’hypothèse de l’apparition de la vie, par voie naturelle, à une époque déterminée de développement, est une nécessité logique. » Cette nécessité logique résulte aux yeux de l’auteur d’une aspiration naturelle à la causalité, telle qu’il la comprend, et il écrit : « Qui n’éprouve pas cette aspiration doit être abandonné[3]. » Ceci est un anathème et l’anathème échappe aux procédés de la discussion scientifique.

Il serait facile d’établir que M. Oscar Schmidt comprend mal la nature et la portée du principe de causalité ; mais cette discussion m’entraînerait sur les terres de la métaphysique pure, où

  1. Archives des sciences physiques et naturelles de la Bibliothèque universelle, avril 1871.
  2. Claude Bernard, Rapport sur les progrès et la marche de la physiologie générale, page 105.
  3. Revue scientifique du 21 février 1874, page 798.