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naville. — principes directeurs des hypothèses

vitation, et une force d’impulsion qui, combinée avec la gravitation, produit le mouvement des planètes selon la ligne de leurs orbites. En cédant à cet amour de la simplicité qu’il signale comme un des attributs de l’esprit humain, Laplace crut, un jour, pouvoir tout ramener à la seule loi de la gravitation combinée avec la disposition de la matière. Si l’on suppose les corps soumis à la seule loi de la gravitation, en vertu de laquelle ils se portent les uns vers les autres, on admet à première vue qu’ils se réuniront tous en une même masse. Cette réunion, dans tous les cas, ne sera pas immédiate. Supposons trois corps inégaux dont l’un soit beaucoup plus petit que les deux autres. Au moment où ils commenceront à être soumis à la loi de la gravitation, le corps le plus petit ne se portera ni vers l’un ni vers l’autre des deux autres, mais suivra une ligne moyenne qui sera la résultante des deux forces auxquelles il se trouvera soumis. Laplace crut qu’il pouvait résulter ainsi de l’effet de la gravitation seule des circulations permanentes, et il écrivit : « L’attraction seule suffit pour expliquer tous les mouvements de cet univers[1]. » Une étude plus attentive du sujet lui fit reconnaître qu’il s’était trompé ; et il effaça, dans sa cinquième édition, cette erreur qu’on lit dans la quatrième. L’erreur était née manifestement de la tendance à l’unité franchissant les bornes dans lesquelles devaient la renfermer les données réelles du problème à résoudre.

Considérons maintenant un exemple contemporain de ces essais de réductions impossibles formées sous l’influence de l’empirisme.

La vie se manifeste à la surface de notre globe par une multitude indéfinie de plantes et d’animaux. L’étude de ces individus innombrables fait reconnaître qu’un grand nombre d’entre eux offrent un type analogue, et l’on voit ces individus similaires sortir les uns des autres par voie de génération. Ainsi s’est formée en histoire naturelle l’idée de l’espèce. La seule définition précise des espèces naturelles est « l’ensemble des individus qui peuvent être considérés comme ayant procédé, par voie de génération régulière, des mêmes ancêtres ou d’ancêtres supposés identiques. » Dans la doctrine de Platon, chaque espèce était la reproduction d’un type, dont le mode d’existence n’est pas nettement déterminé par le philosophe grec. L’idée de la réalité idéale des espèces, dans le plan de l’univers, est l’interprétation la plus favorable du Platonisme, et cette théorie ne tranche point, la question de la manière dont les espèces ont été physiquement produites. Nous trouvons, dès l’antiquité, une direction contraire de la pensée qui n’admet pas de types réels et réellement

  1. Exposition du Système du Monde, livre V, chapitre 6.