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L’ESTHÉTIQUE ALLEMANDE CONTEMPORAINE[1]



L’ESTHÉTIQUE DU LAID

K. ROSENKRANZ[2]


La science du beau est aussi la science du laid. Le laid étant la négation du beau, ou son opposé, sa théorie doit faire partie intégrante de la science du beau et de la philosophie de l’art. Comment se fait-il que cette théorie ait apparu si tard dans cette science, que presque tous les esthéticiens l’aient oubliée ou négligée ? Du moins, ce n’est que dans les traités les plus récents qu’une place de quelque étendue lui est accordée. Les problèmes qui s’y rattachent avaient à peine appelé l’attention des penseurs anciens et modernes qui se sont occupés spécialement du beau et de l’art, de leurs formes et de leurs lois. À chaque pas, cependant, cette question se rencontre soit dans la métaphysique du beau, soit dans la philosophie de l’art en général, soit dans la théorie de chaque art en particulier et dans son histoire. Mais c’est précisément parce qu’elle y est partout mêlée qu’elle a d’abord échappé aux regards les plus attentifs. On a cru qu’elle était implicitement résolue. Il n’en est rien. Doit-on, en effet, la détacher et l’envisager séparément ? Cela ne peut faire de doute quand on y réfléchit. Il en est de la théorie du laid, dans l’esthétique, comme de celle de l’erreur ou du faux dans la logique, de celle du mal dans la morale, de l’injuste dans le droit ou des délits et des crimes dans la jurisprudence, du péché dans la théologie positive et la science religieuse, des maladies de l’âme et du corps dans les sciences qui étudient les phénomènes de la vie. Non-seulement le laid doit être envisagé en lui-même, dans sa nature et ses diverses formes, mais une foule de problèmes s’y rapportent, qui, sans cela, ne peuvent être résolus. Eux-mêmes doivent être étudiés et discutés d’une façon distincte, comme dans leurs rapports à d’autres problèmes. Il en est ainsi,

  1. Voir la Revue philosophique, t. I, p. 125, et t. II, p. 1.
  2. Æsthetik des Hsslichen von K. Rosenkranz, Königsberg, 1857.