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L’acte de volonté, tel qu’il est représenté dans la conscience, comprend : 1o comme point de départ, une tendance déterminée ; 2o comme moment de transition, la réflexion du sujet sur lui-même en tant qu’essence générale distincte de toute opération particulière ; 3o comme résultat, une opération déterminée.

Or le déterminisme, qui fait de la volonté une force déterminée elle-même par sa nature propre, laisse inexpliqué le second moment ou moment de transition. Il ne peut montrer comment ce qui en réalité est nécessaire doit apparaître à la conscience comme contingent. Quand il dit que la conscience confond la spontanéité et le libre arbitre et substitue faussement le second à la première, il méconnaît l’expérience. L’affirmation que deux et deux font quatre nous apparaît comme spontanée, sans que, par là même, nous la jugions libre.

De plus le déterminisme altère, malgré qu’il en ait, les concepts moraux de mérite et de démérite : le bien et le mal ne se laissent ramener ni à l’être et au non-être (Spinoza), ni à l’ordre et au désordre (Stoïciens).

Ainsi la contingence est partie intégrante du concept de volonté.

Ce n’est pas tout. La contingence gît à la racine de l’âme humaine, dans l’acte même de conscience, dont elle est la condition indispensable.

La psychologie cartésienne ne se demandait pas comment la conscience jaillit de la vie corporelle. Elle posait d’avance, comme irréductibles entre elles, la chose pensante et la chose étendue. Mais c’était supposer la conscience au lieu de l’expliquer. C’était en outre se mettre dans l’impossibilité de comprendre l’union de l’âme et du corps, et compromettre l’immatérialité de l’âme, en la réduisant à l’état de chose corrélative de la chose corporelle. L’âme ne peut être une avec le corps et en même temps immatérielle, que si elle est l’entéléchie du corps, l’unité idéale de ses fonctions. Mais alors elle a, dans le corps, le substrat indispensable de son activité. S’il en est ainsi elle ne sera, comme être distinct, que ce qu’elle se fera elle-même. Veut-on maintenant que cette activité propre soit-elle même absolument déterminée : le fondement de cette détermination résidera nécessairement dans le corps ; et alors il faudra montrer comment un processus purement physique peut se changer en un processus mental. L’existence d’un libre arbitre, non pas apparent, mais réel, peut seule expliquer la naissance et le développement d’un sujet conscient au sein de l’objet nécessité et inconscient.

Il est démontré par là que l’on ne saurait imaginer une manifestation de l’esprit où le libre arbitre n’ait point quelque part. Le do-