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analyses. — hartmann. Erreurs et vérités.

cusable des faits. Mais, encore une fois, le transformisme ne peut rien conclure de la variabilité des espèces contre la génération hétérogène (50).

Tout en maintenant la fixité des espèces, Wigand ne rejette pas absolument pourtant l’hypothèse de la descendance. Il essaie de développer une théorie intermédiaire entre la doctrine darwinienne et la croyance traditionnelle. Sa conception des cellules primitives (Urzellen) doit satisfaire à ce double but. Il admet une période primordiale (Primordialperiode), où les cellules primitives de toutes les espèces sont sorties, après les cellules des genres et des ordres, de la cellule primitive par excellence (Ururzelle). Elles « se sont perpétuées ensuite sans modification avec toutes leurs propriétés latentes jusqu’au moment de leur développement. Elles ont traversé après cela une succession plus ou moins longue d’états de larves, desquels finit par émerger l’espèce parfaite et désormais invariable. » Mais tous ces processus imaginaires échappent complètement au contrôle de l’expérience, et ne lui apportent aucune lumière. Wigand, qui a très-bien vu que l’erreur de Darwin était « de rapporter tout le processus de l’évolution uniquement à l’action de causes extérieures » s’égare à son tour, dans une sorte de théorie de l’involution ou de l’emboîtement des germes. En un mot.il ne diffère de Darwin que parce qu’il place le mécanisme à l’intérieur, au lieu de le placer à l’extérieur de l’être (60). Il faut rejeter ce nouveau mécanisme, comme le premier ; et admettre que le sujet métaphysique de l’évolution est immanent au processus lui-même, et actuellement vivant, c’est-à-dire actif en chacun des moments de ce processus (64).

Arrivons maintenant à l’objet essentiel du livre de M. de Hartmann. Il s’agit de démontrer que les principes darwiniens ne sont pas aussi exclusivement mécaniques qu’on serait tenté de le croire au premier abord.

La sélection naturelle ne s’applique pas seulement aux variations accidentelles infiniment petites, mais aussi aux variations brusques et régulières. C’est dire qu’elle s’accommode aussi bien de la génération hétérogène que du transformisme. Darwin a le premier tort « de dédaigner toute application de ce principe sur une autre base que celle du transformisme » (68). Mais, pas plus dans ce cas que dans l’autre, la sélection n’agit comme un principe purement mécanique. Elle exige, en effet, le concours nécessaire de trois facteurs, où une analyse attentive n’a pas de peine à démêler l’action mal dissimulée d’une finalité interne. La sélection naturelle, c’est-à-dire le choix que fait la nature pour la reproduction des individus les plus favorablement organisés, résulte non plus comme dans la sélection artificielle, de la volonté d’un éleveur, mais de la concurrence active ou passive, de la lutte pour l’existence que les êtres soutiennent entre eux. Pour qu’il y ait concurrence, il faut que le choix se fasse entre un certain nombre de formes différentes d’existence. La diversité des formes devra résulter de la variabilité. Enfin, le produit de la sélection ne sera durable et ne ser-