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avait aussi un troisième, un quatrième. Nous en dénichâmes bien une dizaine dispersés dans tous les alentours. Chose à noter, c’était presque toujours la même personne qui débusquait l’ennemi ; et, quand il n’en resta plus que deux ou trois, elle désigna, pour ainsi dire, immédiatement, le lieu où ils se cachaient ; les derniers furent ainsi plus faciles à trouver. L’odorat de cette personne, si exceptionnellement et si avantageusement douée, avait été dans le début mis en désarroi par la multiplicité même des foyers d’infection.

Nous voyons donc.que, grâce à une rétine ou à une muqueuse olfactive, même rudimentaire, on peut conclure plus ou moins approximativement le lieu de la cause d’irritation. Mais, pour cela, il ne faut pas que le tissu sensible vienne s’épanouir tout à fait à la surface de son support à la façon d’un enduit visqueux qui arrête les grains de poussière ; il faut, au contraire, qu’il s’étale au fond d’un entonnoir ou mieux d’un tube qui écarte toutes les irritations latérales ; il faut, en un mot, que la molécule d’odeur ou de lumière pénètre dans le tissu au lieu d’en irriter simplement l’extrême superficie. La marque d’une balle lancée par un pistolet contre une plaque de fer ne me permet certes pas aussi bien de désigner dans quelle direction était le tireur, que le trou qu’elle aurait fait dans une planche. Mais, à coup sûr, si cette balle, pour atteindre la tôle ou la planche, avait dû traverser un tube étroit d’une certaine longueur, je pourrais, avec la plus grande certitude, désigner la seule route qu’elle a pu suivre. C’est ainsi, disais-je ailleurs, que je puis déterminer assez grossièrement la direction du vent, grâce aux impressions de la peau du visage ; mais je pourrais l’assigner avec la plus grande précision, si une seule portion de ma personne était sensible au souffle de l’air, et si cette portion était située au fond d’un tube long et étroit que je pourrais diriger à mon gré.

Il y aurait ici à montrer comment l’animal impressionné rapporte au dehors la cause de son impression. J’ai tâché de donner par le menu l’explication de ce fait dans ma Psychologie comme science naturelle. Je ne referai pas cette déduction ; au surplus, on peut la supposer donnée.

Nous pouvons déjà tirer une conclusion. Quand la statue de Condillac sent pour la première fois l’odeur de la rose, elle est, d’après l’auteur, toute odeur de rose ; de même, quand elle en voit la couleur, elle est toute cette couleur. L’odorat, le goût, l’ouïe, la vue, ne nous font pas, selon lui, juger des objets extérieurs. Il aurait dû ajouter que, si la statue touche la rose, elle est, à ce moment, toute cette sensation de contact ou de pression. Il tombe, à l’égard du toucher, dans une confusion qui se reproduit encore tous les jours :