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DU ROLE DES SENS

DANS LA FORMATION DE L’IDÉE D’ESPACE


POURQUOI LES SENSATIONS VISUELLES SONT ÉTENDUES

I

En juin 1875 un jeune Savoisien de vingt ans, Noé M., aveugle de naissance, fut opéré à l'œil droit et avec succès par M. le docteur Dufour de Lausanne. La guérison ayant suivi son cours normal, ce médecin, dès que la chose fut possible, soumit son malade à des observations et à des expériences relatives à la théorie de la vision. Les résultats sont consignés dans une brochure publiée à Lausanne en 1876. La bibliothèque Universelle[1] contient sur ce fait un article, de M. Raoul Pictet, où sont discutées à cette occasion les diverses théories de la vision émises jusqu’à ce jour. Enfin M. Ernest Naville reprend dans la Revue scientifique[2] le même sujet et examine avec l’autorité qu’on lui connaît différentes faces de la question[3]

  1. Archives des sciences physiques et naturelles, 15 avril 1877.
  2. N° du 31 mars 1877.
  3. J’ai éprouvé un sentiment de satisfaction en constatant entre cet auteur et moi une grande conformité de vues tant sur ce point spécial que sur les généralités psychologiques qu’il y rattache. C’est ainsi qu’il insiste sur la confusion trop fréquemment faite entre la sensation et la perception, — sur le rôle important que vient jouer la mobilité de nos membres dans l’acquisition de la connaissance du monde extérieur et celle de notre propre corps, notamment en ce qui concerne la localisation de la sensibilité, — sur la distinction fondamentale à faire entre les qualités premières et les qualités secondes des corps auxquelles j’ai donné le nom plus précis peut-être d’attributs cinématiques et d’attributs esthétiques — enfin sur l’aide mutuelle que se prêtent pour la connaissance de l’extérieur l’expérience de l’individu et celle de l’espèce transmise par l’hérédité. Voir l’exposé de mes doctrines dans la Revue scientifique nos du 31 juillet 1875 et du 27 janvier 1877 ; voir aussi Revue philosophique n° 1876, p. 745 et suiv. Cette coïncidence d’appréciation sur des points déter-