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boutroux. — zeller et l’histoire de la philosophie

pendance personnelle, l’un vers l’union de la vertu et des autres biens naturels, l’autre vers l’apothéose de la vertu réduite à elle-même.

Chaque grand système a d’ordinaire ainsi une idée directrice et une loi interne d’évolution. Il faut pourtant se garder d’y chercher une conséquence qui ne soit jamais en défaut. On ne peut à priori imposer à un philosophe même les idées qui semblent se déduire immédiatement de ses propres principes. Il arrive parfois que l’auteur n’a pas rapproché deux ordres d’idées qui nous paraissent connexes, et ne s’est pas soucié d’appliquer à celui-ci les principes qu’il professe dans celui-là. Ainsi Xénophane admet l’unité de l’être universel, et considère l’éternité du monde comme immédiatement donnée avec l’éternité même de Dieu, lequel est, selon lui, cause immanente du monde. Il n’en faut pas conclure, avec certains écrivains postérieurs[1], qu’il a déjà, comme Parménide, nié expressément tout changement et tout mouvement dans le monde. Cette conséquence lui échappe. Il a une doctrine physique spéciale, et ne dit nullement, comme son successeur, qu’elle ne se rapporte qu’à l’illusion.

Le Pythagorisme[2] nous offre des doctrines remarquables sur la vie morale et sur les principes des choses. Il nous semble impossible que ces doctrines ne réagissent point les unes sur les autres. L’examen des sources historiques prouve cependant la vérité de cette proposition d’Aristote (Met. I, 8. 989, b), que les Pythagoriciens étaient entièrement adonnés à la philosophie de la nature. Leur morale est presque sans lien avec leur physique ; elle a son origine dans des motifs religieux, et consiste en croyances bien plus qu’en doctrines scientifiques. Quant à leur physique, elle rentre, comme le montre Aristote (Met. I, 8. 989 b), dans l’ensemble des recherches de la première période sur les principes du monde sensible, considéré comme la seule réalité ; elle a un caractère tout mathématique.

2. Reste à déterminer le rapport d’un système donné avec les autres systèmes, c’est-à-dire sa place historique. Les grandes divisions de l’histoire de la philosophie ne sont nullement laissées au caprice de l’historien : elles reposent sur des rapports objectifs d’identité générique et de différences spécifiques.

L’identité générique consiste dans le fonds de principes communs inconsciemment admis par une série de philosophes, et préexistant, comme des idées innées, à leurs recherches conscientes. Ces pos-

  1. I, 491, sq.
  2. I, 436. — 2. I, 431 sqq.