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naville. — principes directeurs des hypothèses

ramenées par le génie de Newton à la seule loi de la gravitation, qui a servi ensuite à expliquer et même à découvrir les perturbations les plus compliquées et les moins apparentes des mouvements planétaires.

« Si l’on s’est quelquefois égaré en voulant simplifier les éléments d’une science, c’est qu’on a établi des systèmes avant d’avoir rassemblé un assez grand nombre de faits. Telle hypothèse très-simple, quand on ne considère qu’une classe de phénomènes, nécessite beaucoup d’autres hypothèses lorsqu’on veut sortir du cercle étroit dans lequel on s’était d’abord renfermé. Si la nature s’est proposée de produire le maximum d’effets avec le minimum de causes, c’est dans l’ensemble de ses lois qu’elle a dû résoudre ce grand problème.

« Il est sans doute bien difficile de découvrir les bases de cette admirable économie, c’est-à-dire les causes les plus simples des phénomènes envisagés sous un point de vue aussi étendu. Mais, si ce principe général de la philosophie des sciences physiques ne conduit pas immédiatement à la connaissance de la vérité, il peut néanmoins diriger les efforts de l’esprit humain, en l’éloignant des systèmes qui rapportent les phénomènes à un trop grand nombre de causes différentes, et en lui faisant adopter de préférence ceux qui, appuyés sur le plus petit nombre d’hypothèses, sont les plus féconds en conséquences. Sous ce rapport, le système qui fait consister la lumière dans les vibrations d’un fluide universel a de grands avantages sur celui de l’émission. »

(Suit la preuve en 11 pages de la complication du système des émissions et de la simplicité relative de celui des ondulations.)

« La multiplicité et la complication des hypothèses n’est pas le seul défaut du système de l’émission. En admettant même toutes celles que je viens d’énoncer, je ferai voir, dans la suite de ce mémoire, qu’on ne parviendrait pas à l’explication complète des phénomènes, et que la seule théorie des ondulations peut rendre compte de tous ceux que présente la diffraction de la lumière[1]. »

On voit quelle a été l’origine d’une des théories qui ont renouvelé la science moderne. Observer, supposer, vérifier : telle est la méthode de Fresnel. Supposer, en préférant les explications les plus simples : tel est pour lui le principe directeur des bonnes hypothèses. On remarquera qu’il argumente bien du fait que le système des ondulations explique des phénomènes dont la théorie de l’émission ne rend pas compte, mais c’est pour lui l’argument secondaire ; tout

  1. Œuvres complètes d’Augustin Fresnel. Tome II, pages 247 à 281.