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était, comme Strauss, un critique habile à manier et à interpréter les textes, et en même temps un philosophe cherchant l’idée et la loi sous le désordre des faits. S’il n’était pas, dit Zeller[1], proprement hégélien, ayant aussi reçu l’influence de Schleiermacher, il s’était du moins formé une conception de l’histoire analogue à celle de Hegel, et avait gardé de ce maître « la doctrine de l’évolution intimement nécessaire de l’humanité, se réalisant par une dialectique immanente, et manifestant, suivant une loi fixe, tous les moments contenus dans l’essencede l’esprit. » M. Zeller se lia avec Baur, comme avec Strauss, et épousa, en 1847, sa fille aînée. Il publia dans la Revue prussienne[2], sur son beau-père, mort le 2 décembre 1860, une pieuse et belle notice ; c’était à lui déjà qu’il avait dédié sa « Philosophie des Grecs ». Aujourd’hui même, dans la quatrième édition du 1er volume de cet ouvrage, il exprime chaleureusement sa reconnaissance envers l’homme qui, dit-il, a été pour lui, non-seulement un ami et un père, mais encore, au point de vue scientifique, un modèle d’amour de la vérité, de persévérance infatigable, de critique pénétrante, et de sens de ce développement organique qui.est le fond de l’histoire.

M. Zeller suivit en outre un cours du grand poète Uhland, alors professeur de langue et de littérature allemande à l’université de Tübingue, sur l’histoire des légendes populaires de l’Allemagne. Là encore, il vit comment l’étude la plus minutieuse des sources peut se concilier avec le charme littéraire et même poétique de l’exposition. Auprès du célèbre théologien catholique Mœhler il apprit à connaître les côtés forts du catholicisme, et il rend lui-même justice à la valeur de cet enseignement, qui pourtant n’accordait au protestantisme d’autre droit que celui de l’existence politique. Enfin M. Zeller suivit un cours d’esthétique professé par l’homme qui, en Allemagne, s’est le plus illustré dans cette science, Friedrich Vischer, alors théologien et répétiteur au séminaire de Tübingue. Vischer joignait à une érudition très-étendue et à une grande profondeur, une faculté de vivante exposition, qui devait se dégager de plus en plus des entraves d’une terminologie d’école.

C’est parmi ces savants et ces écrivains, maîtres dans l’art de manier les textes, et jaloux de s’exprimer avec clarté et agrément, que M. Zeller acquit le fonds de connaissances et les méthodes dont ses ouvrages devaient être les fruits. Il s’occupa d’abord de la nouvelle philosophie allemande, et s’attacha surtout à Hegel. En même

  1. Vortraege u. Abhandlungen. Leipz., 1865, p. 354-434.
  2. Preuss. Jahrbücher, vol. VII et VIII, art. reproduits dans Vort. u. Abh., loc. cit.