Page:Revue philosophique de la France et de l’étranger, IV.djvu/137

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
naville. — principes directeurs des hypothèses

diurne peut être expliqué de deux manières différentes : ou bien la terre est immobile, et les étoiles se meuvent d’un mouvement commun de rotation, d’orient en occident, autour d’un axe qui passe à son intérieur ; ou bien, au contraire, les étoiles ne se déplacent pas, et la terre tourne d’occident en orient autour du même axe. Dans l’un et l’autre cas, les apparences sont exactement les mêmes, pour un observateur placé sur la terre. Examinons quels sont les motifs qui peuvent faire adopter une de ces hypothèses de préférence à l’autre… Il est infiniment plus simple et plus naturel d’admettre que ce mouvement diurne des étoiles n’est qu’une apparence due à la rotation dont la terre est animée autour d’un de ses diamètres[1]. »

Lorsque Newton réussit à ramener à la seule loi de la gravitation les trois lois établies par Kepler, l’enthousiasme presque sans exemple qu’excita cette découverte provenait avant tout de la simplicité majestueuse de cette conception nouvelle. Cette simplification obtenue dans les théories astronomiques, Newton l’avait cherchée. Le grand maître de la méthode expérimentale était fort éloigné de l’empirisme de quelques-uns de ses prétendus disciples. Il savait que toutes nos théories doivent être soumises au contrôle de l’expérience ; mais il savait aussi que, dans la recherche des théories, l’esprit humain doit être guidé par des principes. En tête de son {corr|trosième| troisième}} livre des Principes mathématiques de la philosophie naturelle, il indique les règles qu’il faut suivre dans l’étude de la physique et sa règle première est celle-ci : « Il ne faut admettre de causes que celles qui sont nécessaires pour expliquer les phénomènes. La nature ne fait rien en vain, et ce serait faire des choses inutiles que d’opérer par un plus grand nombre de causes ce qui peut se faire par un plus petit. » Cette règle est empruntée presque textuellement aux écrits de Galilée, et Galilée lui-même l’indique comme un axiome communément reçu de tous les philosophes. Laplace applique un génie mathématique de premier ordre à compléter l’œuvre de Newton ; il réussit à établir la stabilité du système du monde, c’est-à-dire à montrer que la loi de gravitation doit rectifier par elle-même certaines aberrations du système solaire qui, dans la pensée de Newton, auraient nécessité, après un certain laps de temps, une intervention spéciale de la puissance créatrice. C’est là une application magistrale de la première règle de Newton, et un pas important dans le sens de la simplicité fondamentale des phénomènes de la nature. Laplace a-t-il travaillé dans ce sens fortuitement, ou en suivant, sans

  1. Cours élémentaire d’astronomie, § 75.