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le roi Alphonse, de l’extrême complication du système de Ptolémée ; c’est ce qui le décida à parcourir les écrits des anciens pour voir s’il n’y découvrirait pas quelques théories plus simples. La lutte entre la doctrine nouvelle et les systèmes antérieurs dura jusqu’à l’époque des découvertes de Newton qui mirent hors de doute, pour le monde savant tout entier, les théories de Kopernik.

Le grand argument employé dans cette lutte prolongée par les défenseurs de la doctrine nouvelle fut la simplicité relative des explications de Kopernik. Galilée en appelle au principe que la nature ne fait pas intervenir beaucoup de causes pour réaliser ce qui peut se faire avec un nombre moindre[1]. Ce n’est pas seulement dans la lutte relative au mouvement de la terre que Galilée fait intervenir cette pensée ; il énonce formellement, et d’une manière générale, cette règle de méthode que la recherche du simple doit être le principe directeur des hypothèses : « Les lois de la nature sont, dit-il, les plus simples qui se puissent : il n’est pas possible de nager mieux que les poissons et de voler mieux que les oiseaux. Élevons donc notre pensée jusqu’à la règle la plus parfaite et la plus simple : nous formerons la plus vraisemblable des hypothèses. Suivons-en curieusement les conséquences ; que les mathématiques les transforment sans scrupule en théorèmes élégants : nous ne risquons rien. La géométrie a étudié déjà bien des courbes inconnues à la nature, et dont les propriétés ne sont pas moins admirables ; c’est à elle seule aussi qu’appartiendront nos résultats, si l’expérience ne les confirme pas[2]. » Descartes reconnaît que le système de Tycho peut rendre raison des apparences célestes aussi bien que celui de Kopernik, mais il préfère ce dernier parce qu’il est « plus simple et plus clair[3]. » Il est naturel de penser que la théorie du mouvement de la terre prévalut, parce qu’elle rendait compte des phénomènes mieux que le système de Ptolémée ; mais, si l’on entendait par ce mieux l’explication de faits qui restaient inexpliqués dans les théories précédentes, on se tromperait. Dans un système comme dans l’autre on expliquait tous les phénomènes ; mais Kopernik satisfaisait mieux le besoin profond de la raison orienté vers l’unité[4]. L’argument qui historiquement a fait le triomphe de sa théorie figure encore dans les traités d’astronomie les plus modernes. Voici, par exemple, comment s’exprime M. Delaunay : « Le mouvement

  1. Édition Alberi, tome I, pages 130, 429, 430.
  2. Les principes de la philosophie. Partie III, § 17.
  3. Joseph Bertrand, Les fondateurs de l’astronomie moderne, page 261.
  4. Voir, à ce sujet, le Cosmos de Humboldt, partie II, page 371. — Le Nouveau traité de la pluralité des Mondes de Huygens, pages 22 et 23.