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naville. — principes directeurs des hypothèses

qui unissent la vie végétale, d’une part aux phénomènes physiques, et de l’autre à la vie animale. La géologie ne doit pas oublier les rapports de la terre avec l’état possible des diverses régions du ciel. On trouve dans les régions du nord de l’Europe, les fossiles de végétaux qui n’existent maintenant que dans des climats plus méridionaux, et l’histoire des glaciers, telle qu’on la fait aujourd’hui, semble établir le fait de variations considérables dans la température du globe. Poisson a émis la pensée que le système solaire, dont notre terre fait partie, se déplace et, en se déplaçant, s’approche ou s’éloigne de certaines constellations, ce qui modifie sa température[1]. L’hypothèse, je le crois, n’est pas vendable dans l’état actuel de l’astronomie, mais il est certain qu’on risquerait de s’égarer si on refusait de tenir compte, à titre d’explication possible, des considérations de cette nature. L’étude de l’atmosphère terrestre appartient spécialement au physicien et au chimiste ; mais elle demeure incomplète, et par là fausse, si on néglige les rapports de l’atmosphère avec la vie organique, et qu’on ne tienne pas compte des germes vivants qui paraissent être répandus avec profusion dans l’air, et avoir une influence marquée sur sa transparence. D’une manière générale, l’hypothèse qui se renferme dans la considération d’une seule classe de phénomènes, risque d’avoir une base étroite et fausse ; il faut toujours avoir en vue le rapport de chacune des parties du monde avec l’ensemble. Pour ne pas l’oublier, qu’on se rappelle toujours les monades de Leibnitz et le fraisier de Bernardin de Saint-Pierre.

La tendance à l’unité dans la recherche du simple se manifeste par l’effort de la pensée pour atteindre le plus petit nombre possible de lois et d’éléments. A égalité d’explication de phénomènes, les savants préfèrent l’explication la plus simple. L’histoire de la science établit que c’est dans cette voie que se trouve la vérité, et justifie la devise favorite de Boerhaave : « le simple est le signe du vrai ». C’est le développement de l’astronomie qui nous offre ici les exemples les plus illustres et les plus abondants. Alphonse, roi de Castille, était choqué de la multitude de cercles et d’épicycles dans lesquels on faisait mouvoir les corps célestes, pour expliquer les apparences du ciel, et il exprima un jour sa pensée à cet égard, par ces paroles vives : « Si Dieu m’avait appelé à son conseil, les choses eussent été dans un meilleur ordre. » Le mot du Garo de La Fontaine se trouvait ici à sa place, parce que le roi de Castille ne visait pas dans sa parole l’œuvre du Créateur, mais les théories embarrassées au moyen desquelles on voulait en rendre compte. Kopernik fut choqué, comme

  1. Annales de chimie et de physique, t. LXIV, page 237. — Voir Bordas-Demoulin, le Cartésianisme. Tome I, page 315.