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se développe, plus les rapports se manifestent dans toute leur étendue. Le fait de la pesanteur de l’air ayant été constaté dans ses relations avec les corps plongés dans l’atmosphère, on a trouvé là l’explication d’une multitude de phénomènes. Depuis que nous sommes en possession de la théorie mécanique de la chaleur, l’influence du soleil sur le développement de la vie à la surface du globe n’est plus une simple donnée d’observation, mais la manifestation d’une des principales harmonies de l’univers physique, et les conséquences de cette découverte sont loin d’être épuisées. Pythagore, comme je l’ai dit, a le premier à notre connaissance affirmé, d’une manière précise, le caractère harmonique du monde. Dans les temps modernes, Leibnitz a développé cette pensée avec beaucoup d’éclat dans sa théorie de l’harmonie préétablie et dans sa doctrine des monades. En vertu de l’harmonie préétablie, chaque monade réfléchit l’univers, c’est-à-dire qu’il n’est pas un seul des éléments du monde qui ne subisse l’action de tous les autres, et qui réciproquement n’agisse sur tous. La même idée a été exposée, avec beaucoup de charme, dans l’introduction des Études de la nature de Bernardin de Saint-Pierre. Il raconte comment il avait conçu le plan de faire l’histoire complète d’un fraisier qui croissait sur sa fenêtre, et comment il est arrivé à reconnaître que l’histoire complète de cette seule plante dépasserait de beaucoup les forces d’un homme, puisqu’il faudrait constater ses rapports innombrables, non-seulement avec tous les insectes qui la visitent, tous les animaux microscopiques qui l’habitent, mais encore avec l’air, le soleil, toute la nature en un mot.

La recherche de l’harmonie s’égare souvent dans la considération fallacieuse de rapports imaginaires et devient ainsi l’origine d’hypothèses fausses. La théorie si longtemps régnante qui plaçait la terre immobile au centre du monde, et cherchait à déterminer les rapports de tous les mouvements du ciel avec ce centre supposé, offre un grand exemple des erreurs de cette espèce. Si l’opinion populaire qui établit un rapport entre l’état de l’atmosphère terrestre et les phases de la lune est contredite par l’observation, c’est encore là un exemple d’un rapport faux. L’astrologie tout entière était basée sur des conceptions de cette nature.

L’idée de l’harmonie générale des phénomènes doit être toujours présente à la pensée du savant dans le choix de ses hypothèses ; l’oubli est ici une cause de fautes graves. Le botaniste, par exemple, occupé à faire la géographie des plantes, se tromperait bien souvent S’il oubliait de tenir compte de l’action des vents, des courants d’eau, des insectes et des autres animaux qui ont pu transporter au loin des semences, c’est-à-dire s’il négligeait de considérer les rapports