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naville. — principes directeurs des hypothèses

mais il s’ouvre ici une grande source d’erreurs. Il arrive facilement, en effet, que l’on prend pour l’élément constant d’une classe d’êtres ou d’un phénomène ce qui est simplement accidentel. Ces inductions précipitées jouent un grand rôle dans l’histoire de la science. Telle est l’erreur du botaniste qui considère comme essentiel à une espèce le produit accidentel d’actions exercées par le sol ou le climat. Si une espèce, par exemple, présente toujours en Europe certains caractères fixes, mais que sa graine semée en Amérique ou en Australie donne naissance à des végétaux qui perdront quelques-uns de ces caractères, il sera expérimentalement démontré que ces caractères n’étaient qu’un accident. Lavoisier, ébloui par la découverte de l’oxygène, et voyant ce corps entrer dans la composition des acides, induisit que tout acide renfermait de l’oxygène. Or l’acide muriatique est une combinaison de chlore et d’hydrogène. Lavoisier, persuadé qu’il renfermait de l’oxygène que l’on n’avait pas encore réussi à en dégager, fut conduit par cette erreur à méconnaître le chlore, dont Davy, plus tard, devait faire la découverte.

Quand il s’agit des lois, l’erreur de l’induction consiste à prendre pour une loi constante le résultat complexe et variable des lois fixes. C’est ainsi que la loi de Mariotte, qui suffit aux besoins de la pratique, n’est pas une loi simple et rigoureuse. Les phénomènes de la pesanteur nous offrent ici un exemple plus considérable. La pesanteur Varie sur le globe ; elle diminue en allant du pôle à l’équateur. Ici, la variation nous est expliquée par les éléments fixes de la gravitation et de la force centrifuge dont les effets doivent être divers sur les divers points du globe, en raison de la forme de la terre et de son mouvement. L’induction scientifique doit donc s’appliquer à la gravitation qui ne varie pas, et son application directe à la pesanteur nous tromperait. Des inductions précipitées sont donc une source considérable d’erreurs, mais sans l’induction il n’y aurait pas de science. La fixité des classes et des lois est la condition en dehors de laquelle toutes les hypothèses scientifiques seraient impossibles ; c’est le postulat général de tout exercice de la pensée ; mais la tentative de déterminer les classes et les lois vraiment fixes ne peut s’effectuer que par des hypothèses qui demeurent soumises au contrôle de l’expérience.

Considérons maintenant le besoin d’unité dans son application à la recherche de l’harmonie. Cette harmonie se manifeste dans les rapports qui relient des effets à leurs causes, des conséquents à leurs antécédents, des moyens à un but, des membres à un organisme des fonctions subordonnées à une fonction principale. Saisir ces rapports est l’un des éléments essentiels du génie et plus la science