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tivité. Les vérités mathématiques ne deviennent pas expérimentales, accidentelles et contingentes, elles ne perdent pas leur nature absolue pour comprendre un nombre infini de rapports…

5° « Quoi qu’il en soit, l’être ne nous est connu que par son idée, donc il n’est pas réel. » — (a). Si l’idée n’a pour objet prochain qu’une idée, il en sera de même pour celle-ci, et ainsi de suite à l’infini. Mais un signe qui signifie un autre signe égal à lui de tous points et identique, c’est un concept contradictoire, les deux se rapportant de toute nécessité à un troisième objet, c’est-à-dire à la chose signifiée et représentée, (b) Il faut bien s’entendre sur le sens du mot réalité, beaucoup s’imaginent que la réalité c’est le phénomène, tandis qu’elle est la « substantialité » des choses. L’acte éternel de l’être illimité et inconditionné, voilà la réalité suprême, (c) Il est vrai que cette réalité semble se dissoudre dans les analyses qu’en fait l’entendement réfléchi et se décompose pour le langage en un faisceau d’attributs. Mais la connaissance de l’absolu n’est pas vraiment dans les opérations intellectuelles parmi lesquelles elle se réfracte pour ainsi dire en traversant l’entendement réfléchi ; elle réside dans l’intuition simple et directe, antérieure à toute analyse, qu’en a la raison pure. L’être qui fait l’objet de cette intuition est donc concret au plus haut point.

6° Malheureusement, la solution ainsi obtenue semble introduire de nouvelles difficultés. Si en effet on avance que l’être absolu est connu par intuition, comment peut-on soutenir d’autre part qu’il ne se révèle à nous qu’à travers les vérités nécessaires ? — On oublie que les idées n’ont de réalité que celle qu’elles tiennent de l’être absolu, et que si notre esprit, une fois qu’il a conçu la série tout entière, peut monter et descendre indifféremment l’échelle qu’elles forment, c’est toujours par l’absolu qu’il faut commencer pour les concevoir : il les précède et les domine dans l’ordre intuitif comme dans l’ordre logique. Elles sont donc plutôt, en définitive, une conséquence de la connaissance de l’absolu, qu’une condition de cette connaissance et qu’un intermédiaire qui nous en sépare.

7° Mais enfin, pourrait-on dire, ces deux termes d’infini et de fini entre lesquels vous tracez une démarcation si profonde sont unis dans l’esprit de l’homme : c’est leur union qui rend toute connaissance possible : vous êtes tenu de l’expliquer. — M. Mamiani ne peut répondre à cette objection qu’en exposant, à son tour, une critique de la connaissance. Mais l’analyse d’un tel travail, bien que très-condensée, dépasserait les limites que nous nous sommes imposées.

Nous ne pouvons pas davantage entrer dans une série de chapitres formant en quelque sorte l’épilogue de ce traité, et où il est question « de la réalité objective hypothétique et hypostatique. » Nous en avons dit assez, je pense, pour indiquer l’esprit général et le principal objet de cet ouvrage. Ce qui frappe le plus un lecteur français, c’est le rôle exclusif que joue l’intelligence dans la métaphysique de l’auteur. En général, dans les plus récentes constructions métaphysiques tentées de