Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXX.djvu/651

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
637
REVUE GÉNÉRALE.histoire et philosophie religieuses

guées au moyen de renseignement officiel, plus frivolement aristocratique puisqu’elle restreint à un petit nombre d’élus la possession de la vraie doctrine. Nous ne nous plaindrons surtout pas que les circonstances aient mis fin à cette « paix fourrée », aussi dommageable à une philosophie indépendante qu’à une religion ayant conscience d’elle-même et de sa dignité.

Nous sommes, on le voit, aux antipodes de la pensée de Cousin et de son interprète autorisé, à la fois comme philosophe qui croit que l’esprit humain n’est pas lié au « programme de la classe de philosophie » et comme théologien qui pense qu’il peut y avoir une religion pour d’autres que pour des simples d’esprit. Mais, ce que nous ne pardonnerons jamais au cousinisme, c’est d’avoir habitué l’Université de France à mépriser, à craindre et surtout à ignorer la théologie et la religion chrétienne, soit dans leur développement historique qui est le dogme et l’histoire ecclésiastique, soit dans leurs sources immortelles, je veux dire dans la Bible. Il y a là un divorce déplorable, dont les effets pèsent lourdement sur la situation présente et continueront malheureusement de se faire sentir.

Quant à la personne de M. Barthélémy Saint-Hilaire, il est pour ainsi dire inutile de dire que nous la respectons profondément. Sa candeur et son intrépidité dans l’énoncé de thèses qui, dans l’état présent des esprits, sont destinées à rencontrer peu d’écho, auraient fortifié, s’il était besoin, ce sentiment. Ce n’est pas tout : il nous donne un document précieux, un commentaire limpide de la pensée de Victor Cousin. J’ajoute que ce volume contient de très intéressantes considérations sur les relations entre les philosophes et le clergé de France aux derniers siècles et notamment de notre temps. À ces divers points de vue, la publication de la Philosophie dans ses rapports avec les sciences et la religion est d’une réelle importance.

Voici, comme pour répondre à quelques-uns des doutes qu’éveille chez nous la thèse de M. Barthélémy Saint-Hilaire, un volume très nourri et très réfléchi d’un professeur de philosophie de l’Université, qui déclare ne pouvoir s’en tenir au compromis cousinien : Le problème religieux au xixe siècle, par J.-E. Alaux[1], très honorablement connu par de nombreuses publications philosophiques et littéraires. « Le problème religieux, au xixe siècle, dit-il avec une entière franchise, ne comporte que l’une ou l’autre des quatre solutions suivantes : disparition de la foi devant la science ; apparition d’une foi nouvelle ; conservation de la foi ancienne et traditionnelle : chez nous, dans l’Europe occidentale, en France, de la foi catholique ; évolution de la foi catholique transformée. » M. Alaux ne croit ni à l’élimination de la religion par le progrès des sciences, ni à l’utilité de préparer un credo nouveau ; en revanche, tout en conservant le catholicisme, il voudrait lui faire subir une évolution. On jugera de l’esprit du livre par ces quelques

  1. Chez Alcan, in-8o, xii et 444 p.