harmonie avec les siennes, comme il a bien voulu le rappeler lui-même dans une note de son livre.
Il faut féliciter M. Tarde d’avoir cherché une qualité commune à toutes les formes de la société, une propriété pour ainsi dire de l’homme qui le rende apte à la vie sociale ; il faut le féliciter, surtout, de l’avoir, en plusieurs endroits de son ouvrage, clairement indiquée. Ce qu’il dit de la suggestion, si l’on fait, comme il le demande lui-même, la part de l’exagération dans l’expression, reste profondément juste. Il est parfaitement vrai qu’une immense partie de la vie sociale de l’homme est déterminée, quelquefois contrairement à ses intérêts, quelquefois contrairement à sa raison, quelquefois contrairement aux deux, par des influences subies volontairement ou plus souvent involontairement. Il y a une sorte d’automatisme social. Tout ce que dit M. Tarde sur la suggestion sociale et ses divers modes est très vrai et très bien étudié. Mais si j’accepte pleinement le principe de la suggestion sociale, j’accepte moins celui de l’imitation, et loin que je puisse croire que le second fait n’est qu’une forme du premier, j’inclinerais à penser que le premier n’est qu’une forme du second.
Passons aux points où je diffère d’opinion avec l’auteur : d’abord je ne puis admettre que la génération soit l’analogie de l’ondulation et de l’imitation sociale. Pour employer le langage de M. Tarde, je dirai que la génération et l’hérédité sont des cas de l’imitation-coutume. Encore ne les constituent-elles pas tous. L’habitude et l’instinct en sont d’autres cas non moins importants. En effet, si l’on conçoit l’organisme comme une sorte de société de cellules ou de groupes de cellules, l’analogue de l’imitation sociale, c’est pour l’imitation-mode, la transmission d’une manière d’être d’une cellule ou d’un groupe de cellules à une autre cellule ou à un autre groupe, c’est ce qui arrive peut-être dans le cas de la transmission d’une impression nerveuse de la périphérie aux centres de l’écorce cérébrale et inversement, c’est ce qui arrive encore (au point de vue de M. Tarde, mais, pour ma part, j’interpréterais autrement le phénomène) lorsqu’une impression vive de l’esprit absorbe toutes les forces psychiques et oriente, pour ainsi dire, dans une même direction, toutes les cellules pensantes. Pour l’imitation-coutume, l’analogue de l’imitation sociale se trouverait, en physiologie, dans ce fait que les cellules qui disparaissent, emportées par l’usure vitale, sont remplacées par des cellules qui continuent leur manière d’être et d’agir jusqu’à ce qu’elles obéissent à de nouvelles influences. Ici encore, on pourrait étudier l’alternance de la coutume et de la mode remplaçant la coutume et faisant place à son tour à une coutume plus large que la première. Au fait, le phénomène psychologique est bien connu, c’est l’instinct devenant conscient, se perfectionnant et cédant de nouveau la place à un automatisme plus compliqué. L’hérédité est un autre cas de la coutume.
Autre chose : la partie philosophique de l’ouvrage de M. Tarde est une simple esquisse destinée seulement à montrer comment les vues