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blie de l’esprit. Les associations par contiguïté et ressemblance sont donc toujours subordonnées à l’association systématique. On peut prévoir, par suite, la solution du second problème. Ce n’est pas, en dernière analyse, parce qu’ils sont contigus ou qu’ils se ressemblent que deux états s’appellent l’un l’autre, mais parce qu’ils font partie d’un même système psychique, d’une même orientation de l’esprit.

Pour montrer l’application concrète de ces principes généraux, l’auteur étudie la formation d’un sentiment particulier, l’amour. On voit, par l’analyse qu’il en fait, comment une nouvelle tendance, l’instinct de la reproduction, venant s’associer aux anciennes habitudes, les modifie plus ou moins tout en étant aussi partiellement inhibée par elles. De ces inhibitions, diverses selon la nature du système préexistant qui les exerce, résultent les différentes variétés de l’amour platonique chez les uns, sensuel chez les autres, prenant des formes particulières suivant le temps, le milieu, l’individu. Les résultats sont les mêmes si l’on étudie une autre forme de la vie mentale, le langage par exemple, ou la genèse d’une personnalité comme celle de Darwin. Des tendances qui se manifestent au début de la vie mentale, certaines sont bientôt inhibées, comme la tendance de Darwin au mensonge, d’autres se développent parallèlement, sans que, pendant un certain temps, aucune puisse arrêter ou s’assimiler les autres ; ainsi, chez Darwin, le goût pour les collections, la chasse, la littérature, les beaux-arts. Qu’une circonstance favorable, comme le voyage du philosophe anglais à bord du Beagle, vienne donner la prépondérance à l’un des systèmes, et ceux qui ne peuvent s’associer avec lui seront inhibés d’une façon totale ou partielle pour un temps plus ou moins long. En résumé, l’on retrouve dans la formation d’une personnalité la lutte, l’association systématique et l’inhibition systématisée, propriétés essentielles des éléments de l’esprit.

Il résulte de ce qui précède que l’esprit est avant tout activité et activité synthétique. Tout en lui s’organise à quelque degré et ce sont les systèmes déjà organisés qui déterminent l’existence ou les caractères des nouveaux états ; c’est le tout qui explique les éléments. À ce point de vue, la finalité est le caractère essentiel de la vie mentale. Sans doute, tous les phénomènes de l’activité psychique ne sont que des phénomènes physiologiques. Ceux-ci, à leur tour, se ramènent à des phénomènes physico-chimiques. Mais l’esprit n’en est pas moins autre chose, il est la loi suivant laquelle ces phénomènes sont synthétisés. Les éléments physiologiques ne constituent pas plus un esprit qu’une carrière de pierre ne constitue un monument. Si l’esprit est une synthèse, il est aussi élément d’une synthèse supérieure, la société. De même que l’esprit explique les éléments dont il est la synthèse, de même la société explique l’esprit. Il suffit pour le comprendre de remarquer que l’éducation, l’enseignement, nos sensations même, sont, à quelque degré, des produits sociaux. Le résumé et la conclusion de tout ce qui précède est la définition